Comme beaucoup de gens, j'ai été plus jeune un jour.
Par exemple, un jour, j'étais étudiant, de ceux qui allaient voir un film par jour en salle, ou presque, sans pour autant faire des études cinématographiques. Sans quoi, c'eût été deux ou trois, n'en doutons pas…
Aujourd'hui, je me demande comment tel miracle a pu se produire, ne serait ce qu'économiquement, alors qu'aucune forme d'abonnement illimité n'existait. Je passe sur les cinémathèques, vidéothèques, ou autres, n'ayant pas fait d'études ciném… C'est donc un curieux mélange de satisfaction - quand j'arrive à tenir la barre des deux films par semaine - et de honte, bien entendu : insuffisance, entre manquement et carence.
Un peu de temps a donc passé. Et même, je me souviens comme j'ai été plus jeune un autre jour. Par exemple, tout début juillet : j'ai lancé un blog, balancé un premier article, avant même de dire bonjour, avant de me demander s'il valait mieux le faire, ou pas du tout, me présenter, ou pas directement, dire que tenterait ce blog, ou pas encore… Un peu de temps a repassé, par-dessus l'autre, et tu commences à te dire que c'est un peu abrupt comme entrée en matière, ou que cet article-là d'emblée ferme peut-être le champ autant qu'il ne cherche à l'ouvrir, ou que ça peut sembler froid, quand tu étais sorti un peu fiévreux de ce film et que tu avais cherché les mots pour décrire la température, et non la faire tomber. Surtout, tu t'es dit merde, les pauvres amis qui ont fait l'effort d'aller lire ça, peut-être, voire le pauvre inconnu : on ne peut pas empêcher que quelque chose comme de l'attente soit générée. Pas l'attente du nouvel article. Non. L'attente de quelque chose que l'on a vue dans le premier article, que l'on espère retrouver dans le second, si second il y a, enfin le jour où il se pointera, puisqu'il semble promis : a blog is a blog is a blog.
Heureuse coïncidence : étant moins jeune que l'autre jour, il m'arrive aujourd'hui parfois d'être fatigué. Par exemple tel qu'on ne l'est presque jamais lorsqu'on est étudiant. Evidemment, généralisation abusive, mais tout le monde aura compris (ce que je pourrai rapidement vérifier en quelques coups de fil, warf, warf, warf !).
Je recommence.
Je suis fatigué. Comme cela arrive. Comme cela arrive par exemple après une journée de travail qui semble plus rude que les autres. Je me reconnais donc et me présente ici comme privilégié : je veux dire, certaines de mes journées sont moins rudes que d'autres, et je peux alors tout à fait projeter d'aller revoir le De Oliveira, le Tsai Ming Liang ou de tenter le Apichatpong Weerasethakul…
Mais ce soir : trop fatigué, ou je l'ai cru. Alors rien. Ou un peu une triste gueule de bois, avec des flashs de sprints dans le métro pour attraper ce film que je ne raterais pour rien au monde, même s'il y a trois changements, tant pis pour le cours de…
Ce n'est pas grave. La bonne nouvelle : il n'y pas de deuxième article.
La meilleure nouvelle : demain, je sais que j'irai revoir Belle toujours ou I don't Want to Sleep Alone. Demain, je serai plus jeune que ce soir.