
Je n'avais pas prévu ça. Du tout.
Mais : trop important à mes yeux.
Et étrange à la fois. Parce que : je ne vais pas dire qu'il faut courir voir ce film. Je ne sais même pas encore si je ferai un billet critique à son sujet. Quelle importance...
Ce que je sais : je viens de vivre un de mes plus beaux moments au cinéma. Dans ce double moment qu'a été ce mardi 19 février au matin : la projection de Juventude Em Marcha et la rencontre/le débat, on dit comme ça, entre des spectateurs et Pedro Costa.

Je recommande rarement, ce n'est pas vraiment mon propos, et presque jamais à tout le monde, en vrac, j'y reviendrai sans doute. Là, moins que jamais. Mais j'ai envie de quelque chose, malgré tout, malgré le fait qu'une écrasante majorité des rares spectateurs du nouveau film de Pedro Costa savent pertinemment avant qu'il ne sorte qu'ils iront le voir, et que la règle restera : on ne sortira pas de ça. Bien sûr, il y aura des exceptions, mais elles ne m'appartiennent pas, et je suis ailleurs…
Il paraît qu'à Cannes - et donc : pas Cannes 2007, mais 2006, au secours -, un nombre certain de spectateurs, de critiques, ont quitté la salle… J'y reviendrai aussi.

Je suis tellement ému. C'est tellement ce que j'avais besoin de voir, vous ne pouvez pas savoir, même moi, presque je ne pouvais pas. Et c'est là.
Pourtant, je n'avais pas assez dormi, comme souvent, et j'ai failli renoncer, jusqu'au dernier moment, ne pas réussir à m'éveiller suffisamment, abruti devant mon écran, jusqu'à partir trop tard, comme à la recherche d'une excuse, me sentant trop épuisé pour voir ce film. Mais : quelque chose insistait qu'il ne fallait pas que je rate le monsieur, je ne savais plus quoi, je ne savais plus tout à fait quelles étaient les racines... Et ça s'est remis en marche en moi tout doucement, ça n'arrête pas de se remettre en marche pour moi, en ce moment, et, tout à coup, j'ai retrouvé ma ferveur de grand gosse qui débarque à Paris, avide de cette ville de cinéma, que seules les forces majeures empêcheraient de voir tel film à tel instant, et je cours dans la rue, dans le métro, et parce que je cours je sais que ça va marcher, je sais qu'il y aura de la place, je sais que je vais arriver juste à temps.

Je suis le dernier à rentrer dans la salle. Le film commence. Je m'accroupis. Ne veux pas déranger. Il y a trop de monde pour trouver facilement une place. L'image est sombre. Je suis dedans. Au premier rai de lumière, je regagne le premier rang. Totalement libre. Une vague appréhension m'étreint parce qu'il y aura le réalisateur après. Juste là. Peut-être gênant cette proximité-là. Mais pas envie de chercher ailleurs. Et déjà pas envie d'en perdre une goutte. Déjà avec. Dès les premières images, les premiers sons, je sais que j'ai envie de rester en face. Presque seul. Comme un luxe. Presque toujours ce que je fais d'ailleurs. Je verrais bien pour après…
Après l'après, lentement, je décide que je vais étudier un peu. Comme je pourrai. Je me dis que je vais en parler régulièrement sur mon blog, pas seulement - ce n'est pas la question, il n'en est pas question -, ce n'est pas possible, je ne sais plus. Je m'y mets. Je suis groggy. Je commence, un peu, de premières recherches, les plus simples, les plus évidentes, sur le web, la fatigue reprend progressivement ses droits. Simplement, maintenant, elle est fervente.

Ce n'est pas le seul, bien sûr. Mais c'est là. Et quelque chose fait que je me sens en face. Alors que je suis à des années lumière de cet homme, de ses complices, de sa sensibilité, de ses origines sans doute. Et pourtant…
En France, Wikipédia dira : Pedro Costa est un réalisateur, scénariste et directeur de la photographie, né le 3 mars 1959 à Lisbonne. On précise Portugal. C'est déjà ça. Cela commence comme ça. Cela n'a l'air de rien. Très vite, je découvre que le film fait 2h35, j'éclate de rire. J'ai vraiment eu cette sensation, précisement vers la fin du film, j'ai pensé : heureusement que ça doit durer dans les 1h30, je ne pourrais pas plus, je ne peux pas plus comme ça, pas en ce moment, pas aujourd'hui… J'avais deux heures et quart dans le dos et je n'en savais rien. Je sais qu'il y aura trop de monde pour ressentir qu'un quart d'heure dure une heure. Je ne ris plus. Pas parce que je juge. Et je me trompe peut-être. Mais parce que j'ai peur. Oui, ça, oui, ça me fait peur… Mais je reparlerai de l'ennui, au cinéma, une autre fois…

PS : ce film est donc enfin sorti en France le 13 février dernier, et aujourd'hui, arrive L'Etat du monde, dont un segment, Tout refleurit est signé Pedro Costa, évoquant le tournage de Juventude Em Marcha. Qu'est-ce que je pourrais demander de plus ?...
