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30 août 2008 6 30 /08 /août /2008 21:00



Le Premier venu



La première scène m'aura inquiété : crainte de la laideur possiblement persistante de l'image vidéo, d'une écriture de dialogues aux angles trop saillants, d'une direction d'acteurs qui échoue…

Là, quand je ne cède pas à la fatigue ou à la paresse, je me rappelle : il faut recommencer. Comme cinq minutes plus tôt. Juste avant que la première image n'arrive. Quand on espère avoir laissé toutes les tentations de prêt-à-penser, comme de prêt-à-ressentir, dans la rue. Quand ça va commencer… Faire à chaque fois le vœu de pouvoir être avec.

Ce qui encourage, par exemple : sentir tout de suite les prises de risque. Je trouve que : en soi, cela ne sauve pas. Mais : pas si fréquent. Surtout dans la discrétion. Et dans la confiance. Des invitations : rien qui cherche à s'imposer.

Quelquefois, il me faut recommencer plusieurs fois, pendant un film, pour ne pas seulement me heurter à ce qui - on dit comme ça - me défrise (angoisse du temps perdu vu ma raideur capillaire innée).

Mais ici : la première fois aura été la bonne.




De certains regards...



Intense sentiment que Jacques Doillon fait vœu de liberté. Dès : l'écriture. Très vite, la liberté narrative me chavire… Devenue rare, aussi. Imprévisibilité de ce que chacun deviendra dans la scène suivante. Ce qui prend de court, et ce qui en donne à voir long, ne puise pas dans de sophistes artifices, et/ou des wa-waouh twists, mais : le simple retour des possibles. Le vivant en mouvement, en oscillations fluides. Avec pour garde-fou : le dos tourné à la facilité.

Dès la première scène - pour le coup -, la jeune femme incarne cela très directement, littéralement : maintenant, on va tourner le dos, définitivement, à la facilité. On va voir ce qui est possible. On va voir ce qui EST. Possible ?... L'autre versant de cette montagne surgissant soudain : la résurrection de l'autre. L'autre, si souvent oublié : ce grand inconnu, irréductible à une fonction, une action, un genre, une intrigue, comme au(x) regard(s) porté(s) sur lui.

Liberté, donc : des prémisses de l'écriture jusqu'au bout du tournage, dans sa nature même. Je crois, aussi, qu'il est une liberté qui n'affleure que dans un au-delà de la maîtrise. Pas avant. Celle-là que Doillon attend : il multiplie les prises pour ses scènes, énormément pour notre époque rationnalisée, quand, à l'image, on croit voir naître de purs "premiers instants". Imprévisibilité, profonde donc, de ce qu'il adviendra… dans le regard suivant.

D'autres approches me sont autant voire plus chères, et celle-ci semble suivie par de moins en moins de gens maintenant, je ne sais pas, mais, à mes yeux : quel beau film !... Il y a sans doute des accrochages, des ratages, voire des complaisances, mais surtout : des moments de grâce, de belles échappées, du souffle.

Dans une palette inaccoutumée, doucement et étrangement belle - gris, bleus, verts-, le film n'en finit pas de s'ouvrir, sous son soleil d'hiver. Fort de sa distribution admirable, il déploie sereinement ses plans séquences sans tentation du tour de force : dans l'accompagnement, chaleureux et inextinguible. Aller, comme on dit, au bout de la scène. Le plus loin possible en tout cas. Dedans. Là où l'on ne s'y attend… plus. Et regagner les visages, tous les visages, par vagues, les caresser, et reprendre du champ, et de la plage, et saisir ce moment : où la lumière n'est plus seulement affaire de " photographie ", mais d'incandescence des êtres.




Nature vive…

 

Gérald Thomassin est exceptionnel : à pleurer de reconnaissance(s). 



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commentaires

B
Salut D, crois-le ou non mais tu m'as donné envie de voir le film. D'autant que l'histoire a l'air original. Il me tente bien en tout cas.
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D
<br /> <br /> Salut Benoît,<br /> <br /> C'est presque du direct-live, là !<br /> <br /> Euh... "crois-le ou non" : tu fais partie des gens que je crois, mais c'est vrai que ce n'est pas si fréquent que ça :-)<br /> <br /> Je ne saurais dire si je te recommande ce film ou non, au sens d'imaginer s'il pourra te plaire ou t'intéresser fortement, mais si tu le vois, je serais heureux d'en reparler avec toi. Je pense<br /> d'ailleurs revenir sur ce film car je suis en train de lire un entretien de Doillon que je trouve remarquable.<br /> <br /> A +, et j'espère que tu fais la fête !<br /> <br /> <br /> <br />
S
c'est moi qui pleure de ne pas avoir le temps de te lire, milliards de bisous je retourne à la révision de mes cours!!!!
Répondre
D
<br /> C'est plus sage en effet ;-) Bisous !<br /> <br /> <br />
V
Moi qui suis abonnée à télérama,je ne me souviens pas de cette critique.Et puis,souvent ,je les lis après le film...J'aime me faire mon opinion et me laisser aller à mes propres sensations.Un auteur se sert de technique,certes,mais il y met ses pensées,ses idées ou ses fantasmes qui sont d'un régistre +irrationnel.Après,la confrontation est intéressante et ouvre d'autres portes,c'est une autre histoire. VITA
Répondre
D
<br /> <br /> Bonjour Vita,<br /> <br /> Je crois comprendre ton point de vue. Je ne lis pas non plus de critiques avant d'avoir vu un film. Et je me sens assez proche de ta manière de percevoir ce que quelqu'un va écrire, et de la<br /> richesse possible des confrontations ensuite. Pour autant, j'attends d'un texte critique, professionnel, qu'il repose sur d'autres assises que les goûts/les couleurs, les références, et enfin les<br /> acteurs et le premier niveau de l'histoire : ces perspectives-là constituent, à s'y limiter, le contraire d'une démarche esthétique, à mes yeux. Je préfèrerais même sans doute, en se limitant à<br /> ces points-là, n'importe quel sentiment exprimé par qui que ce soit... Je ne dois pas être très clair, là : tu me fais penser à pas mal de choses, je suis tenté de (re)développer ça un jour<br /> ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
S
Bonne fin de week-end, D! :-)Syst
Répondre
D
<br /> Et maintenant : bonne semaine à toi Doc' ;-)<br /> <br /> <br />
C
Bonsoir ! Le lien vers la critique télérama :http://www.telerama.fr/cinema/films/le-premier-venu,333502,critique.phpAvis du public assez mitigé. 7 à l'imdb (donc c'est pas bon).
Répondre
D
<br /> lolrotf<br /> <br /> <br /> Et c'est drôle cette critique dans Télérama : j'ai du mal à ne pas trouver ça paresseux. J'espère que je ne suis pas braqué mais cela me semble tellement polarisé sur l'histoire (et à un niveau<br /> assez superficiel), les acteurs, voire les dialogues et surtout les références (celles "décelées", et celles aux oeuvres antécédentes de Doillon). Ce qui serait tout à fait acceptable pour un<br /> spectateur désinvolte me dérange chez un critique, qui finalement ne se distinguerait ici que par ses références. Cela dit, je n'ose imaginer les contraintes qui peuvent peser dans les revues à<br /> tirage conséquent...<br /> <br /> <br /> <br />

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