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24 décembre 2008 3 24 /12 /décembre /2008 00:14

Gare aux ***SPOILERS***.



Un léger grain de l'image pose délicatement la silhouette floue mais massive de Leonard Kraditor (Joaquin Phoenix) sur un ciel couvant la neige…


Un oiseau passe, un réverbère, doucement…

Calmement, et sans la trace d'une hésitation - impression renforcée par un ralenti -, Léonard marche le long d'un ponton de bois, au bord d'une baie, l'enjambe, lâche, s'abandonne…

L'eau nous pénètre les oreilles, noyant des sons déjà ouateux et sourds. Un pantin coule : nous caressons sa désarticulation tranquille. Et puis : une lumière troue la surface de l'eau, et en surgit un ailleurs, inconnu, des images refoulées aux relents médicaux ; une femme entre et s'esquive, le temps de murmurer quelque chose comme "Je t'aime, mais je dois partir" ; elle disparaît… Et l'homme, finalement, remonte à la surface.

Comme une tentative de suicide à laquelle personne ne peut croire. Comme un geste quotidien. Non extraordinaire. Simplement un homme qui plonge, peut-être, pour aller retrouver dans l'eau une image. Une image qui ranime. Qui ramène à la vie. Qui en est presque l'essence, ou le symbole. Ou le fantôme. Le passé. Nous n'apprendrons que plus tard qu'elle est l'amour perdu. A ce jour.



Vinessa Shaw dans Two Lovers

 
Ou bien…

Il s'agirait des images reconnues. Puisque Léonard fait des photos. Des photos de paysage. Il dit que c'est suffisant les gens qui regardent les photos (ou/et les prennent) : inutile qu'ils s'y montrent, en plus. Le paysage, cela suffit. Le ponton et la baie, cela suffit. Le corps est comme en trop. Pour la paix de l'image ? Son immortalité ? Léonard fait des paysages "pris sur le vif", il dit ça, non sans humour, à cette seconde femme, Sandra, que l'absence de personnes sur les clichés semble surprendre.

Cette femme qui aurait pu être un cliché, incarnant l'avenir programmé. Déterminé. Celui qui arrange tout le monde, et que tout monde "arrange". Celui qu'il convient d'accepter. Qui maintient. Tiens-toi bien. Il faudrait se faire une raison. S'en tenir à Sandra. L'aimer.

Or : elle est belle. Et elle sourit. Elle pense le voir, Léonard : elle dit qu'elle le comprend. Elle dit ce qu'elle aime, chez lui : il n'essaie pas de paraître autre chose que ce qu'il est. Précisément. Double tranchant. Reste chez toi, Léonard. Mais "le bon côté" se laisse entendre. Aussi. Sandra est simplement porteuse du "dark side" of the issue. Et chez James Gray, c'est sans issue. Tout le monde sait ça. D'entrée.

Léonard s'est inscrit immédiatement dans le regard de Sandra, quand elle l'a vu, la première fois, entraperçu, dansant avec sa mère à l'arrière du magasin de la famille Kraditor. Ce serait une belle image, que nous ne verrons pas. Nous l'imaginons bien, pourtant. Mais le plus important : il faudrait parvenir maintenant à ce qu'elle s'inscrive dans son regard à lui. L'homme qui aime faire des photos sans personne dedans.



Gwyneth Paltrow dans Two Lovers


 
Je recommence.

Des images rêvées s'approchent, aussi, dans un léger glissement. De terrain, pourquoi pas. Changer de terrain. Aller jouer dans la cour des autres… A la fenêtre : la troisième femme ; on oublierait qu'elle est inaccessible, qu'elle vient d'ailleurs, veut (doit ?) y retourner (ne pas le faire serait mourir - "Assistant for life" - ; elle veut oublier sous X qu'elle vient d'échouer dans ce qu'elle ressent être le "trou du cul du monde").

La troisième femme, l'ailleurs (pas seulement "l'au-dessus", même si cet "au-dessus" engloutira tout), elle est jolie comme c'est pas permis. Pas que : on peut en rêver une seconde. Presque l'embrasser. Du pur présent. Sans avenir. Tiens, c'est déjà passé.

Léonard, bien inscrit dans une communauté, dans une famille à l'attention rapprochée, rêve de l'image impossible : celle qu'il ne photographiera jamais vraiment. Il sort la tête par la fenêtre, brandit son appareil photo : à l'étage au-dessus, en face, Michelle se maquille. Est-ce qu'il la prend en photo ?... Il veut attirer son attention : avec le flash, cet éclat qui fait souvent reculer, qui paralyse. Ici, c'est comme une illumination. Et comme un papillon. On peut bien s'enflammer un peu. La photo de Michelle ?... Pas vu.

Quelques plans plus tard, nous découvrirons des photos du visage de Sandra. Tout est là. En ordre. Le flux fut doux. Le reflux rappelle Léonard, l'homme-vague. L'homme vague… Dans son aquarium.



A suivre…
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commentaires

G
Je n'ai pas vu Two Lovers.Mais j'ai peur de visionner le film après être passé par chez toi.Les images du film sont elles aussi suggestives que tes descriptions ?Si ce n'est pas le cas, les réalisateurs que tu affectionnes vont devenir tes plus fidèles ennemis.A bientôt l'amiGillou
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D
<br /> <br /> <br /> Bonsoir Gillou,<br /> <br /> Pour le coup, je ne peux ignorer que le film a bien des détracteurs... comme je ne peux ignorer que tu es bien aimable <br /> <br /> Mais, oui, je trouve que Two Lovers est un des films les plus délicats de l'année.<br /> <br /> A bientôt, et merci.<br /> <br /> <br /> <br />
C
Je me sens très proche de cet avis, comme d'habitude magnifiquement écrit.  J'aime beaucoup le "ou bien", car pour moi, c'est ça ce film : peut-être que çi, peut-être que ça.  Ou bien ceci ou bien cela... Une narration portes ouvertes comme j'adore.Tu vois qu'il est possible de se retrouver en dehors de David !
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D
<br /> <br /> Oh my God, I mean Sweet Jesus, I mean... You ! <br /> <br /> Merci Chris, et oui, tu as raison, il nous reste quelques autres points de rencontre et nous continuons même à en trouver ! Jusqu'où nous arrêterons-nous ? <br /> <br /> <br /> <br />
P
entre deux temps, mais tant pis.... bonnes fêtes de fin d'années et gros bisous poteet :0010:
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D
<br /> Héhé, ben oui, je t'imagine bien occupée avec les festivités. Bisous too <br /> <br /> <br />
B
Je compte bien aller le voir celui-là!!!
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D
<br /> Au cinoche ? Naaaaaannnnnnn... Tu me dis ça pour me faire plaisir, parce que c'est Noël <br /> <br /> <br />
G
Salut l'ami,Je n'ai pas encore vu ce film.Je ne fais que passer en ces périodes festives.Je reviendrai plus tard.Je te souhaite de bonnes fêtes et de bonnes séances de cinéma, bien au chaud.Gillou
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D
<br /> Bonsoir Gillou, et merci : de très heureuses fêtes pour toi aussi et à bientôt <br /> <br /> <br />

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