Je repense à l'été. Celui-là où j'ai appris la longueur des jours… J'allais bientôt tomber amoureux. Un peu. A nouveau. Je ne savais pas encore que c'était à nouveau. Même si j'ai bien pleuré au déménagement. Je ne savais pas encore que ça pourrait m'arriver si souvent. Pour tout. Pour rien ? Pour l'été ! Pour la longueur des jours…
Maintenant, l'été : le moment de l'année où je peux aimer, après un film en soirée, ce vertige du jour en sortant du ciné.
Même si : je ne peux pas croire qu'il fasse nuit quand je viens de voir un film. Et tant bien même : je n'aime rien tant que voir un film la nuit. Comme en cachette, peut-être…
La nuit, c'est l'intime. Je ne dis pas tout le monde. MOIJE, c'est sûr. Alors c'est là que je vis, le plus (possible ?).
Le cinéma, ça commence comme ça, des nuits plus belles que les jours, peut-être. Pour moi. Très tôt. Très vite. Très bête.

Je recommence.
Le cinéma, très vite, c'était, de toutes façons, quelles que soient mes croyances : la nuit ET le jour.
Fuir le jour pour la salle. Voir naître la lumière dans l'obscurité. Ne même pas la voir naître. C'est là. C'est tout. Incontestable. Plus fort que moi. J'en étais où, déjà ?
J'ai sept ans. Quand papa et maman, ou maman et papa, m'emmènent au cinéma, c'est le jour. C'est la fête. C'est quitter le jour. Ou le sacrer. Je n'ai rien contre ces jours. Et pourtant si. Je ne suis pourtant pas à plaindre. Il ne faut pas. Je ne me plains pas. Cela ne me vient même pas à l'idée. Je suis un enfant gâté. Peut-être. Aimé. A n'en pas douter. Seul. Je ne m'en rends pas encore totalement compte. Qu'est-ce que je raconte ?
Comment le cinéma a failli tuer et sauver l'enfant seul. Qui ne le sait pas. Qui rit. Qui s'entend bien avec… les autres. A en tomber amoureux, parfois. Comment ça va ?

Il n'y a pas si longtemps que j'identifie l'aspect totalement régressif du plaisir qu'il y a à se fondre dans le noir. Et dans les rouages de l'identification. Voire dans une forme de passivité totale. Direct. J'aime toujours ça aussi. Pas que. Il y a mieux. Je trouve…
J'ai sept ans. J'attends déjà le moment où mes parents m'emmèneront au cinéma le soir. De mystérieux films avec Romy Schneider me font envie. Ce sera dans longtemps. Sois patient. Quelque chose arrive…
Romy Schneider… La première fois que je formule : cette personne, inconnue, qui n'est pas tout à fait une personne ?, comme j'ai envie de l'aimer. Presque aussi fort que maman et papa, ou papa et maman, et peut-être même… un peu autrement… Je ne sais plus. Un amour d'enfant. Bête comme chou, aussi. Aussi salvateur que dangereux.
Ce qui arrive : le premier voyage à Paris. Voyage scolaire, on dit comme ça. Après l'été. J'y apprends une chose, je ne me souviens de rien sauf ça ; quand je reviens, je dis à mes parents : "Quand je serai grand, j'habiterai à Paris". Ce qui est drôle, rétrospectivement, c'est comme toute la famille a vite tenu cela pour vrai.
Il allait falloir attendre 12 années. Avec tous ces étés. Quand les jours semblent interminables. Où l'on attend de grandir. Cela ne viendra jamais ?… Voilà une impatience qui se paiera :-) (Puisque je ne les vois déjà guère plus passer, les étés, rien.) Attendre autant que craindre la rentrée. Les nuits sont courtes. Encore plus précieuses ?... Et douces. Quel dommage de craindre la chaleur, enfin celle-là...
