J'aime bien le travail d'Isabelle Czajka, même si son troisième long me laisse davantage sur ma faim que D'amour et d'eau fraîche voire L'Année suivante. C'est aussi, mais pas seulement, que ses variations sur les classes moyennes (upper cette fois) restent trop peu abordés par le cinéma français : cette manière de creuser un sillon m'est sympathique. Et puis, il y a ce lien aux acteurs : le casting est une nouvelle fois assez impeccable dans La Vie domestique, et heureusement sans tomber dans le "film d'acteurs". Le plus stimulant pour moi se joue là, et avec Emmanuelle Devos (ahhhhhhhhhh... Emmanuelle Devos...) cette fois : c'est l'espace où vient tout à coup lâcher le corset de la sur-écriture du scénario. Ainsi de la scène du repas final où, à l'issue d'une "révélation" violente, Emmanuelle Devos s'isole dans "sa" cuisine : tout à coup, un indécidable poignant surgit - sans que l'on craigne un bigger than life déplacé -, une justesse non photocopiée vient me terrasser. Et aller chercher ces moments-là, ensemble, ce n'est pas rien. (En outre, ça me redonne de l'air de voir un peu le cinéma aux côtés de femmes.)
Il y a un peu de ça aussi dans le dernier Woody Allen, sur un autre sillon, plus expérimenté et probablement plus profond, dans des modes de jeu totalement étatsuniens. Mais le coeur du film serait avant tout là, dans cette manière de créer quelques instants inouïs avec Cate Blanchett portant sa virtuosité technique à l'incandescence. Elle est vraiment exceptionnelle dans Blue Jasmine.
L'autre point commun qui m'apparaît, c'est un écueil d'écriture tendance "jabac" (j'aime bien les "jabac", mais si quelqu'un ne vient pas contrer leur penchant, c'est terriblement mortifère, ce que ces deux films sont un peu, surtout le Czajka). Le Allen est sûrement plus riche, et c'est la moindre des choses, mais sa misanthropie (qui bride aussi un peu artificiellement l'écriture et le regard) fait que je ne lui resterai peut-être pas beaucoup plus attaché. Ce qui m'importe : deux films que l'on peut s'offrir pour leur dynamique entre une actrice et leur metteur en scène (ce qui reste bien plus rare donc que des films s'endormant sur des performances d'acteurs).