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18 août 2013 7 18 /08 /août /2013 12:03


 

L'Histoire de Richard O - Damien Odoul

 

 

 

 

Une éjaculation en gros plan. Une fellation en plan rapproché. Ces deux plans-là, la première fois que je vois L'Inconnu du lac, m'éjectent : les scènes auxquelles ils appartiennent s'effondrent. Je ne sais pas pourquoi, mais je trouve que ça ne va pas. Je sais juste que ce n'est pas parce qu'elles sont "frontales", la frontalité n'est pas du tout un problème en soi pour MOIJE. 

 

Il se trouve que j'ai un rapport globalement bizarre au film : d'un côté je le trouve très beau, d'un autre je crois qu'il est globalement très loin de ma sensibilité, et enfin d'une manière disons souterraine j'éprouve une sorte d'envie de ne pas l'aimer (et pas pour la question de la sensibilité). Pourtant la première fois que je vois le film je sors plutôt content, parce que depuis janvier, je n'éprouve aucun enthousiasme franc du collier pour ce que je choisis de voir en salle et que je trouve nettement que ce film est "au-dessus" de ce que j'ai pu voir (et que la toute dernière scène, elle, m'enthousiasme). Mais j'essaierai sans doute d'y revenir : tout cela a fait que je suis retourné voir le film six ou sept semaines plus tard, et j'essaie pour l'instant de m'en tenir à mon unique point de préoccupation pour ce billet. 

 

Je revois le film. L'éjection se reproduit. Tant pis, je me dis que j'ai pas le temps, je sens pas ça bien, ne sais pas pourquoi, on va pas en mourir. Je fais mon premier jet de mes impressions sur le film, et puis je pars lire ce qu'on en raconte... Là, je m'étonne quand même que tout le monde trouve que les scènes de sexe sont très bien. J'éprouve pas mal de réserves là-dessus et du coup les deux plans me reviennent. Et enfin j'apprends (il était temps, j'ai l'impression d'être le seul qui ne le savait pas, et qui ne pense pas à y penser !) que les plans en question sont fait avec des doublures. Bon sang mais c'est bien sûr. 


 

 

Le Diable au coprs - Marco Bellochio 

 

 

Je me dis qu'il y a forcément des manières d'envisager le cinéma où ça n'est pas un problème. Je ne peux que sentir que ça n'est pas du tout la mienne. Je suis pas dans la tête de Guiraudie. Peut-être qu'il est très cohérent avec lui-même (même si ça me semble pas évident dans ses propos autour du film, j'y reviendrai). J'ai la bizarre impression que non. Je me trompe peut-être. Je saurai pas. Je laisse tomber. 

 

Mais : je les aime pas ces plans. Je crois aussi que je les trouverai ratés tels quels si c'étaient les acteurs eux-mêmes qui les avaient fait. Je ne suis pas sûr que mon rejet se situe uniquement sur la question de la doublure. Mais la doublure, dans cette situation-là, moi, je m'étrangle, ou... "j'rigole" comme dit Franck, quand on lui parle du silure de cinq mètres. 

 

Je trouve que la doublure corps pour question de nudité ou de sexualité : c'est pas possible. Je trouve que ça raconte des choses, ça raconte des choses sur ce qu'on prétend montrer par exemple, et ça raconte des choses sur le fait qu'on trouve possible que des gens fassent le travail de ces plans-là et pas des autres. Je vais pas aller beaucoup plus loin parce que je suis pas un intello. Mais ça m'intéresserait de savoir si des gens ont écrit des trucs un peu sérieux (et pas puritains) là-dessus. 


 

 

Baise moi - Virginie Despentes 

 

 

Ou bien : est-ce qu'il faut raisonner ici sur une sorte de régime d'exception ? J'étais en train de penser aux femmes de 40 ans et plus qui arrivent encore à avoir des rôles à Hollywood (pour aller là où la violence est la plus radicale). Là, c'est compliqué. Là, ce serait comme de la légitime défense (je parle pas des cas genre Portman ou Knightley, là, même si on pense que la doublure corps n'est pas un problème en soi, c'est de l'oppression). 

 

Et donc, de même qu'une vedette hollywoodienne qui voudrait continuer son travail et ne veut pas se résoudre au fait qu'elle a moins le droit qu'un mec de le faire après 40 piges, etc...  de même sans doute qu'il n'est pas possible aujourd'hui pour un acteur qui voudrait tourner autre chose ensuite de tourner une scène homosexuelle non simulée (déjà, simulée, la question de la nudité semble rester plus qu'épineuse pour un film qui entendrait ne pas rester confidentiel, ou avec un acteur connu, notamment en France et aux Etat-unis). 

 

Mais : là où ça continue à m'emmerder, c'est pourquoi un mec comme Guiraudie ne va pas chercher des gens qui seraient très bien aussi et qui ne cherchent pas à avoir une carrière d'acteur. Ou même : des acteurs "ouvertement" gays (du moins avant quarante ans) et, si je ne m'abuse - Rupert Everett notamment en a témoigné -, qui seront globalement cantonnés aux rôles de gays au cinoche. Y en a bien que ça aurait intéressé. Y en a bien qui doivent savoir jouer. Y en a bien qui auraient été contents d'avoir (pour une fois ?) un grand rôle dans un beau film, et j'en passe. Je trouve que : c'était comme la moindre des choses de trouver parmi eux ceux qui auraient convenu au fier Alain. 


 

 

O Fantasma - Joao Pedro Rodrigues

 

 

 

Mais bien du respect et de la reconnaissance à Mathieu Amalric, à Marushka Detmers, à Raphaëlla Anderson, à Karen Lancaume, à Ricardo Meneses, à Mark rylance, à Kerry Fox, par exemple, et aux équipes qui les ont accompagné(e)s, ou à Laura Elena Harring et Naomi Watts, je n'ai pas de position de principe contre la simulation physique, ça peut le faire, ça peut suffire. Et parfois non, mais dans ce cas : on fait quoi ? 

 



 

 

 

 

PS : billet sur L'Inconnu du lac, ici.

 

 

 

 

 

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commentaires

B
<br /> Ouais, il est pas clair le garçon :<br /> <br /> <br /> "Très vite, je souhaitais mêler la trivialité du sexe à la noblesse de la passion. Après, très vite s’est posé la question de la pornographie : c’était important pour moi de mêler le<br /> fonctionnement des organes à ces élans là, mais comment filmer ? Rentrer dans de la vignette pornographique, avec les sexes en érection dans leur mécanique, et un peu déconnectés des étreintes<br /> amoureuses ? Ou, quitte à avoir moins de plans de sexe non simulé, mieux imbriquer tout ça, de la façon la plus évidente et la plus naturelle possible ? J’ai toujours été le tenant de la seconde<br /> solution : d’ailleurs je n’ai pas fait appel pour les doublures à des acteurs porno. Ils sont acteurs, tout court. En tout cas ces séquences étaient effectivement très importantes."<br /> <br /> <br /> Et ça vient de là.<br />
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D
<br /> <br /> Je dois être énervé, je trouve vraiment qu'il dit tout et son contraire d'une manière pas très stimulante... Bonne pioche ! Merci. ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
V
<br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> Je ne suis pas si déterminé sur "ce que l'on montre", même si je considère aussi que c'est capital, je pense comme vous que c'est le choix et la responsabilité du metteur en scène et partant<br /> c'est quelque chose que je respecte, même si parfois je le conteste. Je suis par contre de plus en plus déterminé sur "ce que je vois" et de moins en moins disposé à voir ce que l'on veut faire<br /> passer en force, au prix du mensonge, de la manipulation et de l'artifice dissimulé. Je suis d'accord, le dessin n'empêche pas son au-delà, je dirais même au contraire. Mais il y a dans l'option<br /> fordienne une façon de m'impliquer en tant que spectateur dans la façon d'aborder cet "au-delà" qui fait appel à mon intelligence (hem) et ma sensibilité (re-hem) et pas à une réaction quasi<br /> physique. J'appele ça le pacte tacite avec le spectateur (je vous mets le lien à propos d'Haneke sur mon nom).<br /> <br /> <br /> Ceci dit, c'est bien d'avoir parlé d'Oshima (qui n'utilise le gros plan que pour l'effet gore de la fin) qui ne m'a jamais fait cet effet de décrochage. Je pense aussi à Pasolini, "Salo" étant<br /> une expérience sacrément rude mais qui ne m'a jamais posé ces problèmes de rejet. Peut être qiue pour moi, chez ces deux réalisateurs, tout se justifie, tout est cohérent.<br />
Répondre
D
<br /> <br /> Bonjour Vincent,<br /> <br /> <br /> Merci pour la précision. Y a-t-il des gens ou des films qui expriment heureusement aujourd'hui pour vous l'option fordienne (car je ne connais essentiellement pas son travail) ? J'irai bien sûr<br /> vous lire sur Haeneke. En soi, la réaction quasi physique peut m'intéresser aussi, mais la question peut être aussi, je suis d'accord, celle de la manipulation et de l'artifice, de leur nature.<br /> Je vous rejoins aussi sur Salo, outre Oshima, mais je vous avoue que je m'impatiente (presque) d'un travail (non systématique ou obligatoire, mais surtout pas "nécessairement" exclu) sur<br /> la sexualité ou le corps autrement que sous des angles tragiques.<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Dites, votre préoccupation ne serait-elle pas tout simplement liée à l'utilité (ou pas) d'une scène aussi crue ? Quoi qu'il en soit, quand je lis "que les plans en question sont fait avec des<br /> doublures. Bon sang mais c'est bien sûr", je me demande si vous n'avez pas eu une révélation susceptible d'ouvrir la voie de la réorientation professionnelle pour VOUSJE... Je suis<br /> doublure corps, bitch! A bientôt, après un blackout technique :)<br />
Répondre
D
<br /> <br /> Salut ! :-)<br /> <br /> <br /> Pour ta première question, je ne pense pas que ce soit vraiment réductible à ça. Je dirais presque que je n'éprouve même pas le besoin qu'une scène de sexe explicite ou non simulée soit plus<br /> justifiée que quoi que ce soit d'autre. Mais je trouve que Guiraudie se plante et d'une manière qui, elle, me pose question. J'aurais tendance à penser qu'il a perdu d'avance (la problématique<br /> des doublures corps à différents niveaux ici). Dans le cas contraire, je trouve qu'il s'en sort quand même pas avec ses plans et son montage.<br /> <br /> <br /> Pour la réorientation pro, je crois que t'as raison : si "l'expérience vaut science", allez zou, j'y vais :-)))<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
V
<br /> Bonjour. Passionant tout ça et ça me semble poser des questions essentielles au cinéma. Qu'est-ce qu'on montre ? pourquoi ? Qu'est-ce que l'on voit ? Quelle est la part de manipulation consentie,<br /> d'artifice accepté ? Je n'ai pas vu ce film de Guiraudie (j'aime beaucoup certains autres qui ne contiennent pas ce genre de plans), mais moi aussi j'ai connu ce sentiment d'être éjecté du film.<br /> J'avais abordé le sujet à propos de Haneke, dont la volonté de "faire vrai" à tout prix m'insupporte. J'avais aussi ressentit ça avec un plan séquence de Hers (puisque l'ona  échangé<br /> dessus), longue scène d'amour en temps réel dans "Primrose Hill" que je n'avais pas trop aimé la première fois. Je m'y suis fait mais il n'y a pas d'insert.<br /> <br /> <br /> Plus largement, il y a quelques années, lors d'une discussion à propos du film de guerre de Bruno Dumont, j'avais opposé à sa scène de viol un passage de "la prisonnière du désert" de Ford. Wayne<br /> découvre une de ses nièces violées et assasinée. Il l'enterre et bien sûr on ne voit rien de tout ça. Juste Wayne entre dans la canyon, Wayne sort du cayon avec sa tête des mauvais jours. Plus<br /> tard, il est obligé de révéler le drame au fiancé de la fille. Celui-ci bredouille "Est-ce qu'elle a... est-ce qu'ils l'ont...". Et Wayne de lui lancer "Qu'est-ce que tu veux, que je te fasse un<br /> dessin ? !".<br /> <br /> <br /> Voilà, ça me semble rejoindre Bazin. Il y a les cinéastes qui ont besoin de faire le dessin et ceux qui cherchent au-delà du dessin et qui n'en ont pas besoin. Ceux-là font activement travailler<br /> le spectateur, son esprit et sa sensibilité. Plus à mon sens que ceux qui montrent : "voici la réalité" (du sexe, de la mort, de la vieillesse, du meurtre...). Et qui trichent pourtant, avec des<br /> doublures, avec des prothèses...<br />
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D
<br /> <br /> Bonjour Vincent, et merci de votre message,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> "Quelle est la part de manipulation consentie ?" :  c'est certainement un angle de recoupement sur mes préoccupations ici, celle du spectateur voire peut-être même celle estimée possible<br /> pour des gens employés pour faire le film (ici les doublures dans mon point de vue). J'imagine que ça peut se résoudre par là, par "l'artifice accepté" pour des spectateurs. Là où ça continue de<br /> me poser question (puisque j'ai bien conscience par exemple de ne pas avoir de problème quant à la doublure corps pour ce qui relève d'une cascade), c'est sur ce que signifie la manipulation, ce<br /> qu'elle masque et révèle. Le cascadeur a une compétence que le comédien n'a pas (à quelques exceptions près), pour laquelle il est d'ailleurs reconnu. Mais qu'est-ce que ça raconte sur nous et<br /> sur eux, du point de vue d'un réalisateur et du point de vue d'un acteur,  de signer pour un film où est estimé que la non-simulation physique doive/puisse être tenue, si les deux se placent<br /> dans un dispositif d'emploi de doublure corps, pour un compétence que le comédien (à quelques exceptions près peut-être côté masculin) a nécessairement ?<br /> <br /> <br /> (Il faut vraiment que je voie le film de Hers dont vous parlez et que je vous lise sur Haeneke à moins que cela ne concerne un film que je n'ai pas (encore) vu car je ne l'aime guère non plus,<br /> mais sans doute pour d'autres raisons).<br /> <br /> <br /> Sur la question "qu'est-ce qu'on montre ?", vous semblez résolu. Moi, pas du tout. Et je ne vois pas en quoi le dessin empêcherait son "au-delà", c'est bien le dialogue entre les deux qui me<br /> passionne(rait), comme pour toute situation ou action - tout ce qu'il y aurait à explorer par là. En tout cas, c'est effectivement au moins au cinéaste de faire son choix, ne serait-ce que le<br /> temps d'un film, et d'être cohérent avec celui-ci. Et ceux qui ne recourent pas aux doublures ou autre prothèses le sont sans doute d'emblée (même si tout reste à faire). <br /> <br /> <br /> Finalement, sur les deux axes de questions, il y a une forme d'impossibilité pensée ou décretée  propre au vaste champ de la sexualité que j'ai du mal à trouver innocente. Son poid est tel<br /> que les cinéastes tentant de s'en emparer me semblent avoir bien du mal à s'en sortir - je trouve ça particulièrement rageant pour quelqu'un comme Guiraudie vu les intentions qu'il affiche -, à<br /> moins peut-être, à ce jour, d'être très théorique (Oshima ?).<br /> <br /> <br /> <br />
B
<br /> Tiens, ça t'intéressera peut-être : <br /> <br /> <br /> http://www.lesinrocks.com/2013/07/30/cinema/histoire-de-faux-culs-11411299/<br /> <br /> <br /> Pour Guiraudie, les scènes dont tu parles m'ont aussi fait perdre le film à ces moments-là. S'il cherche une forme de continuité, je crois aussi qu'il a loupé son coup. Hum.<br />
Répondre
D
<br /> <br /> Merci !<br /> <br /> <br /> Je retiens ça : <br /> <br /> <br /> "“C’est compliqué de demander à quelqu’un de se mettre à poil. Et puis, en tant que cinéaste, ça indispose, on a l’impression de violenter les acteurs. Avec une prothèse, on évite ce genre de<br /> problèmes”, observe Yann Gonzalez, auteur d’un premier long métrage remarqué cette année à la Semaine de la critique." Ouais, lui, vraiment, je le retiens...<br /> <br /> <br /> "“La prothèse est une protection psychologique, c’est une manière d’être plus cool sur le plateau. Dès qu’on l’enfile, on a l’impression de se déconnecter de sa propre sexualité, d’être dans un<br /> registre de jeu”, confirme l’actrice Mona Walravens" Où je suis content d'apprendre que l'art du jeu repose sur la déconnexion avec soi :-)))<br /> <br /> <br /> Bien superficiel, sinon, cet article, bien confortable, aïe aïe aïe...<br /> <br /> <br /> <br />

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