Il fait un peu froid dans ce film, et tout y est un peu étroit, écrasé par son sujet/ossature, sa "mission" pédagogique. Les travers du didactisme, de dialogues tout en explications, nécessitent même le sacrifice (presque paradoxal) des trois autres hommes du film : Pierre-loup Rajot, François Négret, Yannick Renier ; pures figures de démonstration, avec lesquelles ces comédiens, que je ne demanderais qu'à aimer, font ce qu'ils peuvent. Une proposition dont s'emparerait donc bien vite un revival des Dossiers de l'écran. Est-ce que c'est tout ?
La tenue de L'Arbre et la forêt reste évidemment d'éviter de patiner dans le pathos, sans s'interdire la carte de l'émotion. Il y a notamment cette phrase : "Je ne liquide pas mon passé, je ne le laisse pas m'engloutir.", que le film parvient à faire entendre. Il y a un chemin encombré, à la terre trop lourde, qui réussit pourtant à mener à cette phrase-là, et qu'elle étreigne tout à coup, et que les feuillages en bruissent.
Cela repose beaucoup sur Guy Marchand (Frédérick), spectral et colossal à la fois, magnifique de bout en bout, et sur trois générations d'actrices : Françoise Fabian, Catherine Mouchet et Sabrina Seyvecou. Elles seules, les actrices comme les personnages, parviennent à préserver une part autonome, voire secrète, qui pourra dialoguer - dans le vif - avec la forêt Frédérick, quand les hommes ne font qu'y errer leur principe moteur (respectivement rejet pur, conflit systématique, et amitié immédiate).
Ce n'est pas aller chercher bien loin, de ma part au moins, mais entre tous ces arbres et ce sentier vers une révélation, je ne peux m'empêcher d'associer ce film aux contes, et alors d'apprécier que ce "détour" parvienne à nous faire approcher une horreur inimaginable qui a pourtant bien existé. Je pense ainsi à ce premier plan, très beau, où un chien qui surgit tétanise Frédérick, où l'on peut aisément partager cette petite terreur première, et depuis elle, s'enfoncer plus encore au fil du film.
Contre les exclusions, de la société et de l'Histoire, Olivier Ducastel et Jacques Martineau délivrent leurs successions d'arbres et d'histoires. Deux plans réussiraient à se dégager du programme et à l'épanouir : un au-delà de la vie et de la mort que fixe silencieusement Frédérick en écoutant du Wagner (extraordinaire visage de Guy Marchand), un plan que j'imagine en ballon et qui semble courir sur la cime des arbres. Reste aussi la progression de notre regard, sur l'arbre du titre, véritablement vers l'amour. Alors ce n'est pas rien. Il est donc bien dommage et inutile de voir cette "révélation" soulignée par le jeune couple, qui nous arrache à l'étreinte que nous sentions naître, en se l'appropriant, là encore, démonstrativement.