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30 septembre 2013 1 30 /09 /septembre /2013 22:04

 

 

Alain Guiraudie - Stranger by the Lake

 

 

 

 

J'emprunte le raccourci de croire qu'à peu près tout ce qu'il y a à dire en faveur du dernier film d'Alain Guiraudie l'a été, par exemple , ou , les textes ne manquent pas, ils abondent, c'est cool. Comme je lui résiste un peu, je vais me contenter de tenter de parler de ce qui accroche et/ou m'interroge plutôt défavorablement, même si je trouve que c'est un très beau film, un peu inégal (en dépit de sa forte unité de construction), avec une fin remarquable, mais pas vraiment un grand film ou que sais-je. 

 

Je précise quand même que l'unanimité critique ne me pose pas nécessairement problème, je peux aimer ça. Surtout : je me souviens suffisamment comme ça repose nécessairement sur des malentendus (comme le succès) pour ne pas m'en méfier particulièrement. 

 

Je ne connais pas bien le travail d'Alain Guiraudie, mais les deux derniers films que j'ai vus de lui sont Du soleil pour les gueux et Le Roi de l'évasion. Il m'est difficile de formuler le basculement que je ressens de ces deux films-là (que j'apprécie par ailleurs différemment) à L'Inconnu du lac. Essayer de le faire me donne pour l'instant : être passé d'un désir de cinéma lié à la vie à un désir intellectuel lié au cinéma. C'est plus complexe que ça, j'en suis conscient, et je ne vise pas le procès d'intention, je crois Guiraudie sincère. Mais je regarde son film et je me dirais quelque chose comme : "oh-le-beau-film-clé-en-main-pour-la-critique", tout au moins la (vraie) critique dominante en France (que je ne conteste pas en elle-même, au contraire, même si je ne m'en sens pas toujours proche). Je trouve que le film a quelque chose de contrit en ce qu'il me semble trop souvent substituer, paradoxalement * et avec effectivement talent et "pertinence", la pensée d'un beau plan à sa création. Evidemment, c'est très ténu de parler de ce genre de trucs. Mais là, pour le coup : l'unanimité ne m'étonne pas. Là, elle me dérange, parce que : elle ne pourrait plus reposer sur le malentendu. L'exemple le plus net pour moi de ça, c'est le plan récurrent de la voiture qui vient se garer : ce "plan incontestable" m'emmerde, je le trouve au fond très "confortable". Je le trouve symptomatique de ce dont je n'arrive pas bien à parler. 

 

Certainement, on peut faire de très grands films comme ça - je crois moi aussi que ponctuellement le film de Guirdaudie le devient, grand -, mais ce que je trouve un peu triste, temporairement tout au moins, c'est que certaines qualités de ce réalisateur se seraient absentées. Des choses qui ont à voir de manière personnelle avec l'élan, la liberté de ton, une manière délestée mais vraie de respirer, de regarder, et que ça produise de l'imprévu, ne serait-ce que momentanément, un instant qui vibre, qui décille, qui pourrait faire voir un peu autrement. Bref, L'Inconnu du lac ne m'apparaît d'ailleurs pas comme l'aboutissement du travail du réalisateur, mais plutôt comme une autre direction,  ou une étape nécessaire, possiblement plus aboutie en elle-même que ce qu'il avait pu faire jusque là. 

 

Ce qui m'exciterait vraiment et que je pourrais voir comme un "aboutissement" et quelque chose de sacrément chouette, c'est que ce qui est à l'œuvre dans L'Inconnu du lac et sa part heureuse de maîtrise s’unisse avec ce qu'un film comme Le Roi de l'évasion pouvait avoir en propre - et de plus rare je crois - et qui aurait disparu ici, à force de savants dosages. Peut-être qu'à sa manière, il y a dans ce film quelque chose qui me renvoie à une inquiétude concernant le cinéma français non strictement soumis à l’industrie ou au divertissement : si les ravages de la censure économique restent les plus préoccupants, il y a un poids de certaines cinéphilies ou pensées critiques, aussi pertinentes soient-elles en elles-mêmes, sous lesquels des cinéastes viennent un peu s'écraser. 

 

 

 

 

 

* paradoxalement dans la mesure où Guiraudie se tente plus direct : être plus strictement (au risque de la réduction) et simplement en rapport avec sa propre homosexualité. Paradoxe peut-être uniquement de surface : le masque (aussi léger soit-il) est parfois ce qui laisse la plus grande liberté de mouvement, peut-être pas idéalement, mais dans une situation et à un instant donnés. C'est peut-être parce qu'il n'aurait jamais été aussi directement "personnel" qu'ici quant à ce qu'il raconte, qu'il le serait moins dans sa manière de filmer et dans le récit lui-même. Voire : son film s'embarrasserait de lettres de noblesse d'un certain classicisme, comme pour faire passer la pilule d'un environnement encore étranger au cinéma largement distribué. Et ce que Guiraudie me semblait avoir d'un peu vraiment subversif a, soudain, disparu, ou tout comme, suffisamment en tout cas pour que ça ne "dépasse" plus (j’y reviendrai peut-être).


 

 

 

PS : à propos des doublures corps dans les scènes de sexe.

 

 

 

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commentaires

B
<br /> Assez d'accord avec toi. Il y a de très beaux moments mais je n'arrive pas à être enthousiaste sur l'ensemble. D'ailleurs je n'ai pas revu le film, je n'en ai pas tout à fait envie.<br />
Répondre
D
<br /> <br /> J'avais écrit le billet après avoir revu le film, mais j'étais content de l'avoir revu, d'autant plus qu'il n'y a décidément rien de bien grand cette année... Je trouve que le revoir, c'est aussi<br /> pouvoir se replonger dans ce qui échappe à son "calibrage", et donc ça vaut le coup, mais je comprends qu'on ait pas envie de le faire trop vite.<br /> <br /> <br /> <br />
N
<br /> C'était mon premier Guiraudie. Aussi ais-je trouvé le film très libre. Mais j'ai oui dire que ses autres films sont plus décomplexés. J'aime personnellement ce cadre rigide dans lequel il ancre<br /> sa mise en scène. C'est peut-être mon côté nordique...<br />
Répondre
D
<br /> <br /> :-)<br /> <br /> <br /> Mais j'aime bien, remarque : Guiraudie qui s'impose ici comme le cinéaste nordique du sud-ouest. Je me sens possiblement trop latin pour lui sur ce coup-là !<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />

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