On dit : "balayer d'un revers de main", et Martyrs a connu de nombreuses nuances de cette expression. Il me laisse intranquille. Il peut bien accumuler aberrations, maladresses ou soupçons, je reste frappé par sa prise de risque, notamment via son principal changement de parcours, que je trouve très réussi, organiquement, même si les dialogues, les thématiques ou autres peuvent (me) prêter à sourire. Pas : le flux du film ; sa rage de s'en sortir envers et contre tout. Et je ne vois là rien de malin, ou de cynique, ou de "vous allez voir ce que vous allez voir".
Simple logique de la douleur, dans une souplesse et des montées en puissance très rares à mes yeux. Voilà un réalisateur dont j'irai voir les prochains films avec beaucoup, beaucoup de curiosité, tant bien même je ne recommanderais pas nécessairement celui-ci à grand monde. Je crois que la capacité de déchaînement de Pascal Laugier et de ceux qui veulent l'accompagner (à tous les postes semble-t-il ici, y compris le producteur) pourra délivrer de grands moments.
Répétons, répétons : quel saut dans le vide vers une violence soudain mate !... Le saut dans le trou plutôt, car les parois sont proches : chuter sans l'ivresse de l'espace, sans même celle de la vitesse. Chuter comme on implose. Atteindre le point de résonance entre les douleurs intimes et celles du monde. J'éprouve, de manière inattendue, de la reconnaissance pour cet homme et son risque.
Saisi aussi par la générosité de Mylène Jampanoi et de Morjana Alaoui. Comme elles ne se regardent pas jouer. Comme elles ne minaudent jamais, ne cherchent pas à être aimables. Plus que rare aussi chez les jeunes comédiennes (les mecs ont d'autres travers), d'autant qu'elles sont très belles. Prendre des risques et alors parfois, sans doute, faire des fautes… Très belles aussi je trouve, et inhabituelles, les réponses de Mylène Jampanoï dans cet entretien.
Enfin, très grand plaisir à écouter Pascal Laugier parler ici. Très sensible à ce qu'il dit, notamment sur son parcours, sur le cinéma de genre (que je continue de méconnaître) en France, ou sur les comédiennes (et sur les comédiennes en France). Décidément : quelque chose d'excitant chez cet excité !