"C'est un joli mot : compagnie"… Pas si fréquent d'attraper cet art de vivre en sociétés (surtout anonymes), là où il faut prendre garde à ne pas être, comme Julie Bataille, "trop spontanée et pas assez naturelle", où les méthodes dites à la schlague sont simplement parées de leurs plus séduisants cosmétiques. La comédienne qui incarne Diane bat à plate couture les sales effets spéciaux de Clones du décevant Mostow. De Diane, nous ne saurons rien : mais son surrogate est parfait.
Outre Anaïs Demoustier et Pio Marmaï, D'amour et d'eau fraîche s'appuie sur des comédiens souvent peu employés au cinéma mais particulièrement solides : Océane Mozas donc, ou le remarquable Laurent Poitrenaux (habitué des planches), tout le monde, à vrai dire, ce qui rappelle L'année suivante (Demoustier, Ascaride, Catalifo, Le Coq, etc.). Le bémol dans cette chorus line impeccable est qu'elle renvoie un peu au "grand théâtre" à l'anglo-saxonne, englué dans son hyper-caractérisation de personnages aux moments nécessairement payants, et dans ses dialogues très occupés à faire mouche. Efficace, mais sans mystère, un peu plus mort que vivant : un peu peur d'aujourd'hui. Paradoxal, car il me semblerait injuste de retenir cela du film dans son ensemble. Sur le strict plan de la mécanique du scénario et des dialogues, quelque chose flirte avec le talent réel mais mortifère des Jabac, mais en plus ancré socialement et plus sensoriel. Dans les résistances ponctuelles de la mise en scène d'Isabelle Czajka à cette programmatique affleure la beauté du film, via une manière de faire durer des plains ou via la direction d'acteurs, tant bien même son temps le plus déterminant serait celui du casting : ici, de l'espace, du champ, peut-être du chant, sont reconquis.
Le film puise beaucoup de sa force en confirmant deux regards singuliers qui nourrissaient son prédécesseur : sur la classe moyenne et sur les corps. MOIJE suis d'accord avec la réalisatrice (lu ça dans une interview) : la classe moyenne, ça n'existe pas vraiment, en France au moins, à l'image. Et c'est un problème, symptomatique aussi du "Système", on dit comme ça : enjeu très réjouissant donc, bien qu'il se dilue dans l'échappée du dernier mouvement (et le film de s'y perdre un peu). L'approche des corps s'avère directe et presque originale (sans chercher à l'être) en évitant les tours de force (toujours fatigants), la fascination (parfois déplacée), ou les putasseries publicitaires. Ainsi du plan séquence du one night stand, remarquable notamment dans le rendu du déshabiller : formidable travail des deux comédiens (Anaïs Demoustier et Stéphane Chivot), sans esbroufe et qui me semble relever d'une forme de chorégraphie, parfaitement intégrée, dépassée dans la grâce de l'instant. Pas surprenant d'apprendre alors que le comédien est danseur - au centre sur la vidéo - à l'origine. Alors, décidément, une réalisatrice que j'ai envie de "suivre".
PS : un autre billet sur D'amour et d'eau fraîche.
Billet rétro-publié le 23 octobre 2010.