Déplie le plan jusqu'à son secret, il n'est pas caché. Est-ce qu'il se situe à la frontière de l'offert, mais écarte encore mes paupières, pas devant les yeux : dans leur dos.
Un cordon ombilical s'inverse, pourquoi pas, et va nourrir la terre. L'enfant se verse dans le sol. Tout va bien. Tout est Enfance, et tout est Mort. Le visage de Boonmee !, celui du moine, les espiègleries de la belle sœur. Un buffle se détache de sa dialyse, pour revenir.
Déplie la voix jusqu'à son conte. Elle dit la belle, elle dit la bête, et la honte de n'être plus ni l'une ni l'autre. Elle dit qu'elle ne se souvient plus de tout, mais sans peur, et la douceur de ses phrasés te cloue, pauvre chrétien (même malgré toi).
Fulgurant art de l'évidence, de la simplicité, différent du Kiarostami, autre passerelle de l'inouï.
Déplie le temps jusqu'à sa trêve. Ce n'est pas un rêve puisque c'est là. Mais ne presque pas en croire ses mains. Elles n'en reviendraient peut-être pas.
PS : invitation à lire le billet de Buster, voire l'entretien dans Chronic'art, avec par exemple...
"Dans un essai, Ghosts in the darkness, où vous mêlez souvenirs d'enfance et évocations des films qui vous ont marqué, vous définissez les spectateurs de cinéma comme des fantômes, en référence à une histoire qui vous a été rapportée...
C'est une rumeur qui vient d'un village du Nord-Est, une sorte de conte autour d'un opérateur de cinéma ambulant qui projetait les films de village en village. Un soir où il est arrivé tard, il a démarré la projection dans le noir, parce qu'il faisait déjà nuit, et le public est venu s'installer en silence dans la pénombre. Le lendemain matin, la caisse du projectionniste était pleine, les gens avaient payé. Mais celui-ci s'est rendu compte qu'il s'était installé, sans le savoir, dans un cimetière : le public était un public de fantômes, et ils avaient payé pour voir le film… Depuis, on met parfois une pièce dans la bouche des défunts, afin qu'ils puissent aller voir des films. Les fantômes aussi ont besoin de cinéma."
PS du 13 février 2011 : totalement avec le second billet d'Asketoner sur le film.
Billet rétro-publié le 21 janvier 2011.