Etrange comme de nombreux textes - surtout dans les médias - sur ce dernier film d'Alain Cavalier placent en argument de vente la nouveauté. J'ai peut-être tort mais le côté "on n'a jamais vu ça" ne me semble pas juste. Est-ce qu'il est seulement vrai ?... En fait, je ne sais pas, ça ne me vient pas : un autre exemple... Peut-être que c'est nouveau dans les multiplexes, mais j'ai peine à le croire. L'idée est tellement là, me semble tellement ne pas dater d'hier… Au moins dans les années soixante-dix... Peut-être pas dans les grands médias ?
Je n'écris pas ça du tout pour dénigrer le film de Cavalier que je trouve très bien, qui me plaît beaucoup, et avec lequel j'ai passé un moment amusant, et vif. Mais c'est dommage d'en vanter la nouveauté comme atout, parce que son atout, sa vraie force, me semble sa belle fluidité, soit la réussite de ce type de pari en quelque sorte... Et sans doute de pousser le système (basculement incessant entre "fiction" et "documentaire") vers un de ses horizons en dénudant un rapport réalisateur/acteur.
Cela dit, j'avoue aussi que je ne partage pas l'idée d'un indécidable traversant des plans : je n'ai pas du tout l'impression de ne pas savoir parfois si je suis face au jeu président/premier ministre ou face aux deux complices et amis. Simplement, la porosité est extrême, remarquable, particulièrement remarquable jusqu'à cette permanence des tics de Vincent Lindon, symptôme patent de la rare zone de jeu où il se risque avec Cavalier, car il n'est pas question de douter qu'il joue, et cette zone-là, que je peinerais à définir, est bien celle que je préfère : celle suffisamment éloignée des Actors Studio et consorts pour que quelque chose vacille (comme le feu). Beau paradoxe du visage des comédiens avec Vincent Lindon : si nu, si vêtu.
Bref, bref, bref : très belle porosité des plans de différents régimes, et l'air de rien, tranquille et le sourire en coin, ça oui. Mais pour l'indécidable, l'inouï resterait par exemple du côté de Copie Conforme, autrement plus vertigineux (alors même que les deux régimes ne sont pas tant liés au film lui-même qu'aux deux personnages fictifs qui l'habitent ; à voir d'ailleurs comme les deux personnages deviennent alors possiblement tour à tour réalisateur et acteur de l'autre, une fois le catalyseur - la veille dame - passé).
Mais assez élucubré sur ce film où tout a déjà été écrit, on dit comme ça, et où je préfère laisser le mot de la fin à Buster : j'aurais bien aimé écrire la dernière phrase de son billet.
PS : deux entretiens que j'aime :
* avec Alain Cavalier, par JLK :
" - La question du pouvoir revient en force avec Pater…
- Oui, et la réflexion sur le pouvoir ne m'a jamais quitté à vrai dire. Comme mon père était un haut fonctionnaire, j'ai su tout petit, en écoutant ce qui se disait à table, ce que c'est que le pouvoir. Mon père était très fier du sien, auquel j'ai bientôt échappé, mais le phénomène du pouvoir ne m'a pas moins toujours intéressé, et dans toutes ses manifestations, qui peuvent être aussi celles d'un metteur en scène de cinéma ou d'un artiste quelconque qui peut enthousiasmer, tromper, manipuler... Or j'ai renoncé à ce pouvoir depuis quinze ans puisque je tourne seul. "
* avec Vincent Lindon, dans Libé :
" Ça devenait très naturel, ce jeu entre la vie et le film. Parfois je vérifiais pour lui les signaux du son, il ajustait son cadre. Et allez, on filmait… Rien n'était écrit, aucun dialogue à apprendre. Et une seule prise ! A chaque fois, une seule prise ! C'est un film où je n'ai jamais entendu les mots "moteur", "action", "on la refait"… C'est inouï... "
PPS du 16 août : j'aime beaucoup le ton du billet de Neil sur Pater.