J'étais allé voir Snowtown de manière imprévue et presque par hasard, ou tout au moins par malentendu (deux ou trois lignes de résumé imprécis). Ce n'est qu'aux cartons venant ponctuer la fin du film que j'ai appris qu'il se colletait une "histoire vraie" ; je ne trouve pas ça nécessairement pertinent dans la réception d'une œuvre, mais là : ça m'a fait quelque chose. Très paradoxalement, comme une forme de soulagement : j'avais passé la séance terriblement mal à l'aise (euphémisme) au point de me demander pourquoi je m'infligeais ça, pourquoi quelqu'un me proposait ça, à cela près que j'avais l'intuition de ne pas être en train de regarder n'importe quoi, ou pas seulement, que je sentais une "force" au film, que l'impact qu'il avait sur moi n'était pas réductible à la violence du fait divers exhumé ni à celle qui se déroulait sur l'écran, même si cette dernière y participait (mais pas n'importe comment, voire d'une manière qui me semblait souvent "juste").
Cela dit, j'étais à la fois groggy et entravé par un sentiment ponctuel de "non, mais là, il pousse, quand même" quant à l'histoire elle-même. Or c'était une "histoire vraie", ce qui ne dédouane pas nécessairement de tout, mais ça m'ôtait certaines craintes. Au final, mon questionnement (et plutôt inhabituel) quant à la possibilité de faire/voir un tel film s'était trouvé un peu apaisé, ou désamorcé, peut-être pas évacué, mais ce qui revenait s'imposer alors à moi c'était cette "force" du film (je n'ai vraiment pas le mot).
Bref : c'est une des histoires (de la petite Histoire) les plus atroces que j'ai vues au cinéma, je crois. J'ai l'impression aussi que c'est un des films les plus éprouvants, les plus durs, que j'ai vus. Evidemment, tout ça, c'est aussi personnel ; pas que, mais aussi : chacun a ses rapports à l'insoutenable. Cela dit, je n'étais pas le seul, plusieurs spectateurs avaient quitté la salle - beaucoup à un moment où "je n'en pouvais plus", m'interrogeant sur pourquoi je "tenais", ne pouvant que me répondre qu'il ne m'arrive de partir que quand je trouvais le film bien naze, faible ou trop étranger, mais là, non, même si je détournais ponctuellement les yeux. Je me disais qu'il était peut-être "dégueulasse", et ça peut me faire partir aussi parfois ou m'en donner l'envie, mais là, je ne pourrais pas le réduire à ça, c'était ma seule intuition tenace. Elle m'a tenu au point que je veuille revoir le film.
Je pourrais presque dire que j'avais même "envie" de le revoir : j'étais très impressionné par le travail avec les interprètes. Comme une claque, on dit comme ça : un peu comme l'équipe d'Une Séparation en avait été une, dans son genre (mais je reste prudent avec Snowtown d'une manière qui m'intéresse davantage). Peut-être que ce film me "dérange" (j'aimerais revenir sur la notion possible de "dérangeant", dont je doute) ; certainement, il me laisse intranquille. Bref, j'avais très envie de revoir les interprètes de la mère, de Jamie, ou encore du travesti, de tout le monde, et sans doute surtout du "tueur" chef de famille(s) - très grosse admiration pour le travail de Daniel Henshall, peut-être aussi car il est sur un territoire que je doute d'avoir déjà vu exploré ainsi.
En vérité, je n'ai pas très envie de parler de Snowtown, ou c'est trop tôt. Mais, à tort ou à raison, cela me… dérange ?... de voir que personne n'en parle, parmi les blogs qui me font faire mon tour de web. Hier, je suis allé revoir le film, pas seul cette fois : avec mon copain de ciné ; je l'avais prévenu, j'étais presque gêné de l'inviter à voir quelque chose d'aussi "terrible", etc. Il n'évacue pas non plus. Ça ne veut pas dire grand-chose, nous n'allons pas au ciné ensemble par hasard, nous sommes assez synchrones, je suis juste content de ne plus me sentir seul face à ce film. Quelque chose comme ça. Et puis la revoyure m'a permis de moins "paniquer" aussi ; étonné même, par une forme de rigueur du film - même s'il va "très loin" -, et de ne pas le trouver dans une forme d'acharnement que mon état à la sortie de ma première séance aurait pu me conduire, dans le souvenir, à croire.
Certes, je me sens un peu partagé. J'ai par exemple l'impression que quelque chose se rate de plus en plus dans un type de scènes ponctuant le film qui usent du ralenti (bien que j'aime la première, sur une piste de danse). C'est peut-être même (très) dommageable : là, il y a (la tentation d') un soupçon. Mais le reste, le cœur du film, résiste. Je trouve. Il y a cette articulation redoutable entre l'horreur et la société. Il y a cette relation entre le jeune homme et le psychopathe. Il y a cette impression fréquente de maîtrise remarquable de scènes : apprendre ensuite que c'était le premier long de Justin Kurzel m'a séché. A vue de nez, cela a notamment à voir avec une maîtrise du temps, de la durée (conjuguée avec la qualité de l'interprétation). Et cela compte pour moi : j'ai souvent l'impression que trop de films sont loin du compte dans leur(s) rapport(s) au temps. Bref, c'est pas rien pour MOIJJE. Dans le cœur. Est-ce qu'il est pourri ce cœur ? Je ne sais pas. Pour l'instant, je ne crois pas. Je sais seulement que je suis content d'avoir (re)vu le film. D'une manière ou d'une autre, il fait partie de mon chemin de spectateur. C'est peut-être seulement personnel. Je n'écrirai peut-être pas dessus. Mais je vais le garder pas trop loin de moi. Je m'imagine revoir ce déjà vieux Henry Portrait of a serial Killer, découvrir Summer of Sam ? J'ai besoin de le faire dialoguer. Si quelqu'un a une idée sur ce que je pourrais (re)voir…
PS : j'ai bien aimé lire ce billet sur le film (en anglais), surtout la fin.
PPS : sans doute anecdotique mais je n'aime pas le titre français, je n'aime pas qu'on ait rajouté Les Crimes de à Snowtown, c'est très mal vu, à mon avis. Et dans le même ordre idée, je n'arrive pas à trouver très malin d'avoir sorti ce film en plein milieu des fêtes, même si je veux bien croire que tout le monde ne sortait pas de Mary Poppins...