J'ai un souvenir très flou, mais aimant, de Travolta et moi et surtout de Saint-Cyr. Je sais que ce n'est pas flou à cause des films, alors je voulais voir Sport de filles, mais je n'arrivais pas à trouver vraiment le désir, à cause des chevaux, ou plus précisément des mondes équestres : c'est Mars pour MOIJE, mais d'une manière où j'ai comme pas envie de m'y intéresser. Presque : je préfèrerais ne pas avoir à trouver ça intéressant… Même si je sais bien que la qualité du film n'aurait in fine pas à voir avec ça, ou pas seulement, que ce ne serait que son terreau… Un peu comme mon pote de ciné qui aime beaucoup Eastwood mais n'arrivait pas à aller voir J. Edgar, parce qu'à un moment te dire que tu vas voir un truc qui te donnera la complexité d'Hoover, et donc te restituerait son "humanité" - même si sur le principe tu ne te sens pouvoir être que d'accord, au fond -, ben en même temps t'aurais surtout envie d'avoir plus urgent à voir ! Peut-être que la bande-annonce de La Dame de fer a bien aidé mon pote à s'apaiser avec J. Edgar : le boulot d'Eastwood avait peu de chance de ressembler à cette chose hallucinante où ça me contrarie un tantinet que Meryl Streep fasse passer ça (mais j'oublie pas que beaucoup de bandes-annonces racontent aussi le contraire des films qu'elles sont censées présenter). En tout cas, face à celle de Miss Maguy, je peux pas m'empêcher de me demander s'il y aurait pas un truc plus problématique qui se joue - et que je crains - que lorsque plein de gens n'étaient pas contents que Bruno Ganz joue Hitler. Mais comme j'ai vu aucun des deux films à ce jour, je préfère reporter l'embryon de réflexion... Quand même, je me dis que le truc avec Meryl Streep, ou sa bande-annonce donc, ça pourrait peut-être s'appeler Sport de filles aussi, d'une manière tordue et comme opposée, et du coup ça me donne super envie de voir le film de Miss Mazuy !
Mais là, je m'emballe et je raconte (vraiment) n'importe quoi, je réécris l'histoire : j'ai bêtement trouvé le désir de voir le film quand j'ai réalisé qu'il était avec Bruno Ganz. J'ai jamais trop vu Bruno Ganz : chaque fois que je l'ai vu, j'ai eu envie de l'aimer. Je sais pas tout à fait pourquoi. C'est même pas pro, même si je l'ai toujours trouvé très bien, mais c'est pas ce qui prévaut dans cette affection-là. C'est quelque chose dans son visage - en tout cas, celui que je connais, toujours à plus de cinquante piges je crois - , et j'y pense aussi parce que ça a un peu à voir pour moi avec celui de Ben Gazzara. Un visage que je suis toujours heureux de voir. Je me dis qu'il va falloir que je prête attention à son travail. Mais déjà je suis content de me décider à aller voir Sport de filles. Aussi : j'avais beaucoup aimé Marina Hands en Lady Chatterley. Mais c'est moins mystérieux comme amour, ça me surprend moins. Ou je le crois.
Donc je vais voir le film : je sais pas pourquoi je passe un très bon moment avec. Je peux croire un peu savoir quand il y a Ganz à l'image, mais quand même, c'est pas ça pour de bon, une fois devant le film, je sais bien. Ça me gonfle quand même très vite ces histoires de dressage, et le fric, et les costumes, en tout cas le mélange des trois. Et j'ai du mal avec l'hyper-caractérisation (à l'américaine, je me dis très vite) des personnages. Mais en fait non, c'est pas vrai, j'ai pas vraiment de mal du tout : je passe un très bon moment. Je suis intéressé (par le film) et découragé (par moi) à la fois. C'est un de ces cas un peu rares où je me sens à la fois très proche et très étranger à ce qui se passe. Je lis un portrait de Patricia Mazuy, puisque décidément je trouve cette femme étonnante, et ça me fait pareil : très proche et très étranger. C'est une articulation singulière. J'ai surtout l'impression de buter, et je vais pas me faire violence non plus, mais si les journées étaient un peu plus longues, je passerais beaucoup de temps avec ce film. Là je préfère attendre, laisser le temps me travailler, que quelque chose s'apprivoise, s'amadoue, se détende. Pas seulement l'intuition qu'il est bien, ce film, enfin je le reverrai : quand la volonté et le désir se recroiseront, autrement. C'est peut-être même très bien Sport de filles. En tout cas, je vais quand même oser l'écrire : y a quelque chose dans ce film qui (me) remet en selle.
PS : je trouve ça vraiment pénible que le film soit déjà si peu en salles. J'ai quand même l'impression que le titre n'aura pas aidé. Je le conteste pas en soi du tout, mais je le trouve bizarrement presque suicidaire. Peut-être que ça me surprend un peu trop, pour une fois, comme le film se plante à ce point question fréquentation. C'est triste.
PPS : Buster écrit pas mal de choses sur le film, aussi via les commentaires (et alors, il n'est pas le seul). L'article des Cahiers du cinéma m'intéresse bien aussi.