Tout à coup, je ne m’y attendais pas du tout, le film m’a fait un bien fou. C’ était très précieux de voir une telle confiance dans le spectateur (je me le dis rétrospectivement, ce n’était pas la cause première de ma joie sur l’instant), que celui-ci va maintenir sa confiance aussi, que quelque chose pourra advenir. J’ai l’impression que cela fait longtemps que je n’ai pas vu un film où quelque chose advient.
Quelques fois, c’est après l’œuvre. Quand ça arrive, je pense à ces petits objets en verre avec de la neige dedans. Sauf que, là, ce qui est joli, ce n’est pas lorsqu’on secoue et qu’alors la neige vole dans l’eau ; ce qui est beau, c’est que quelque chose a été secoué, quelques fois très doucement, avec une infime délicatesse, et alors la neige s’est redéposée comme plus justement. Comme si une position inconfortable de l’âme avait été résolu.
Et là, devant Dancing, quand le film entreprend de se dénouer, je crois qu’on peut dire comme ça, alors tout s’est redéposé en moi, un peu mieux, le paysage respirait davantage. Et cela m’a fait comme un élan d’amour envers ces deux hommes (ou trois), dont je me sentais en même temps tellement éloigné, et plus du tout, ou presque. J'avais pourtant bien senti passer en moi, jusque là, la tentation de l’impatience, la tentation de l’étiquette, ou même celle de l’ennui, la tentation seulement, mais elle nourrissait une inquiétude lorsque le film s’arrêterait : la tentation de savoir à l’avance que ce ne serait qu’un film de plus. Et je le reverrai plus tard, peut-être, pour préciser davantage, peut-être... Mais d’ici là, je sais déjà que c’était tout sauf ça.
Parlant un peu ciné avec quelqu'un, je lâche que pour l'instant The Assassin se démarque très nettement du reste des sorties de cette année, qualitativement. Je garde pour moi le "encore une année de merde pour le 7ème art" qui continue de m'attrister (merci le numérique !).
L'autre me répond quelque chose comme "je comprends tout à fait qu'on puisse apprécier ce film, malheureusement je dois avouer que moi je me suis endormi deux fois"...
So what ?
Parce que : la première fois que j'ai vu The Assassin, je pense que j'ai dormi grosso-modo LA MOITIE du film. Sérieusement.
Je recommence.
Je me souviens de la première fois où je me suis endormi au cinéma : Mère et fils d'Alexandre Sokhourov. Je me sentais tellement bien. Je n'ai pas résisté. J'ai pensé : "je reviendrai". J'ai lâché. Je ne portais pourtant pas autant de fatigue qu'aujourd'hui évidemment, mais tout de même, il y avait déjà un tel divorce avec le quotidien (c'était avant les smartphones, même avant la généralisation des mobiles, tu imagines ?). C'était délicieusement intenable. Et je me sentais si profondément connecté...
La première fois que j'ai vu Three Times (ce cher Hou, encore !), Still Life...
Bien sûr, ça m'arrive maintenant de m'endormir devant des films moins importants (pas les mauvais).
Il y en a aussi que je n'ai pas encore réussi à revoir, durée de vie en salle sans cesse rognée oblige.
Mais : je les ai presque tous revus donc, et à chaque fois, les revoir a été une vraie fête. Là : je ne risquais plus de fermer l'œil. C'est marrant, quand même...
Quand j'ai revu The Assassin, j'étais insatiable, j'aurais voulu que ça dure le double, j'attends d'ailleurs de le revoir encore... Décence possible des "rétrospectives" 2016 à venir ?
Mais la première fois... Il y a un tel arrachement à nos quotidiens hyperactifs, sur-sollicités, sur-désinformés ; une telle rupture avec les montages speedés voire épileptiques des productions dominantes ; et d'inattendues retrouvailles avec un rythme biologique (le plus souvent) oublié ; une place si importante restituée au spectateur (qu'en faire, mon dieu :-))) ), j'en passe...
Tout à coup : le refuge, la respiration, et dans les cas cités, l'éblouissement esthétique...
And it feels so much like our most secret home... You can sleep now... It's gonna be alright.
Arrache-moi encore. Assassine mes égarements.
Journal intime - Nanni Moretti (Leonard Cohen : "I'm your Man")
Exotica - Atom Egoyan (Leonard Cohen : "Everybody knows")
Natural Born Killers - Oliver Stone (Leonard Cohen : "The Future")
Copie conforme... ou Chemins de renverse... - Le blog de D&D
Sorti de ma première séance du film d'Abbas Kiarostami, après quelques paroles échangées, j'ai senti monter le besoin, et surtout le désir de plus en plus intense, de revenir auprès du film....
http://25images.over-blog.com/article-copie-conforme-ou-chemins-de-renverse-55932164.html
(et dans d'autres mots)
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- Serge Bozon
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