
Plus tard… La ville est plus grande, plus grande que celle où nous vivons : deuxième approche cinéma. La Carapate. Je ne sais pas encore que c'est de Gérard Oury, ni qui est Gérard Oury, d'ailleurs je ne sais rien avant, je suis seulement impatient, mais je sais, en sortant, que les messieurs s'appellent Victor Lanoux et Pierre Richard.
Quelques années comme ça, avec joie à chaque fois, de Pierre Richard en Louis de Funès, de Serrault en Blanc : quand on m'emmène au cinéma, c'est pour rire. Et puis les dessins animés, aussi. L'aventure, science fiction, ou tout comme, un peu. Total divertissement. Maman et Papa, ou papa et maman, vont au cinéma pour se divertir. Et ils m'emmènent quand c'est possible parce qu'ils savent que c'est ma joie. Ils font très attention à ce que je vois. Partout. Un peu trop ? Rien de grave. Ils sont les enfants de leur temps. Ils me transmettent un plaisir des salles de cinéma. Mais il y a quelque chose qu'ils ne connaissent pas trop. On ne leur a pas donné. Le cinématographe. Ils en ont un peu peur. Ils ne le savent peut-être pas vraiment. Ils sont intimidés, aussi. Pour eux, c'est une sortie. Pour moi, un point d'entrée. Aussi.
Mais La Carapate, je m'en souviens très bien. La deuxième fois.

Pas l'intention de raconter par le menu tout ce que j'ai vu depuis l'âge tendre. No stress.
Mais vers cet âge-là, je retiens bien deux ou trois choses.
Il y a La Carapate, et King Kong et Chantons sous la pluie, ça doit commencer par là, aussi.
Et il y a les soirs où je parviens à me glisser hors de ma chambre en secret, ou je le crois, parce qu'il y a des invités, des grandes personnes, parfois de la famille, comme on dit, et la télévision est allumée, et comme je suis tout seul, je veux dire en secret, dans le noir, et que je regarde l'écran briller, cela ressemble un peu au cinéma… Là, j'ai pu croire qu'on pouvait vraiment regarder un film à la télé.
Evidemment, aujourd'hui, si je viens à quatre pattes dans votre salon la nuit, en cachette, pour mater la télé, ce sera nettement moins attendrissant. Je veux dire que : ce qui m'intéresse là-dedans ce n'est pas le possible voyeurisme - raccourci tentant mais vite stérile, isn't it ? -, mais le secret, l'obscurité, l'intime et une part de solitude. L'espoir de l'interdit, aussi ? Pas encore, non. Juste l'envie d'être là. Pour voir : les actrices, les acteurs, les histoires…

Je ne sais plus quand ça a commencé King Kong et Chantons sous la pluie. La carapate, si. Puisque c'est la deuxième fois. Dans une ville plus grande et inconnue… Papa et maman ou Maman et papa s'étaient disputés, comme cela arrive parfois, et pour moi : ça s'était terminé au cinéma. Donc ça s'était bien terminé. Alors forcément, il devait y avoir aussi de la culpabilité. Rien de grave, parce que c'était la deuxième fois. Pas : la première. Et la culpabilité peut revenir parfois - puisqu'on nous en gave, et si souvent à tour de bras - mais là, je sais, dans cet espace-là, pour moi, elle n'est pas première.
Aussi ça, le cinématographe : l'innocence.
Je ne l'écris pas pour avoir l'air intelligent, parce que : je ne trouve pas ça intelligent, ni nouveau, ni ce que tu veux. Je trouve que : c'est vrai. Le cinéma avec lequel je vis : c'est vrai. L'art est innocent. Aussi, il sauvera toujours davantage que les conventions religieuses, où la culpabilité est première. Aussi, l'art est toujours en ligne de mire des damnés (du pouvoir, de la peur) parce qu'il nous sauve à chacune de ses manifestations. Aussi, les salauds et les traîtres y seront toujours accueillis à bras ouverts : rien n'est plus efficace que le ver à l'intérieur du fruit.
Après, MOIJE ne dis pas que j'ai la vérité sur qui sont les salauds et les traîtres. Mais j'affirme toujours mon point de vue, au moins pour avoir quelquefois la chance d'échanger, d'en changer, et de grandir. Je ne suis pas en train de m'énerver.
Je recommence…

De quoi ça cause le D&D ?
De la ferveur, de l'innocence, de la liberté. Sans cesse meurtries, bafouées, mais sans cesse renaissantes. Tout acte de création est un acte de foi. En la vie - pour le reste, c'est comme tu sens, toi qui vois. Ici, je parle donc d'écran. Et tout le contraire.
Le cinéma : l'ambivalence. Puisque c'est l'écran et son contraire. Puisque le cinéma qui me fait vibrer est celui qui ne fait pas écran, précisément, ou pas seulement. Je m'écoute écrire ? OK.
J'ai besoin d'un peu de lyrisme et de ludisme. Aussi.
OK : J'atterris avant de revenir avec mon gorille et mon parapluie.

PS : comme ça, pour info, en photo, les films que je revois en ce moment.