En nous souhaitant aussi qu'on arrête de le faire attendre pour boucler le financement de son prochain film, O Velho do Restelo...
En nous souhaitant aussi qu'on arrête de le faire attendre pour boucler le financement de son prochain film, O Velho do Restelo...
Encore trois semaines pour profiter de la rétrospective du maître portugais proposée par la Cinémathèque de Paris. D'ici le 22 octobre, il est encore possible de retrouver ou découvrir des films tels que Le Miroir magique, Singularités d'une jeune fille blonde, Je rentre à la maison, L'Etrange affaire Angélica, La Lettre ou Le Val Abraham...
MOIJE n'aurai pas eu assez le temps d'en profiter puisque voilà le temps des vacances (rendez-vous dans un mois), mais j'aurai pu notamment approcher Non ou la vaine gloire de commander (qui repasse le 7 octobre). L'occasion de (re)piquer ce beau propos de Jean-Claude Guiguet relayé par Buster :
"Manoel de Oliveira est-il davantage un créateur de mondes ou un inventeur de formes encore qu'il soit à peu près impossible que l'un n'implique pas l'autre? Là, réside une part de l'ambiguïté de ce bâtisseur pour lequel créer s'apparente à l'acte divin en ce qu'il donne naissance au monde. L'ouverture de Non ou la vaine gloire de commander apporte à elle seule l'évidence de l'impossibilité entre "monde" et "forme", choix à tout le moins incompréhensible pour un cinéaste de l'élan et de l'énergie comme Oliveira ; un torrent ne se demande pas de quel côté il coule. Ce plan où s'élève un arbre majestueux dont on s'approche lentement donne le sentiment d'un pas... avant l'humanité, quelque chose d'indicible comparable au drame de la lumière dans les spectacles du ciel chez Godard. On assiste à la victoire d'une manière au service d'une matière sans pouvoir décider laquelle a entraîné l'autre. La synthèse de la figure et de l'espace, stupéfiante d'équilibre et d'harmonie, ménageant à la fois le mystère de la création et la clarté du monde, invente ici une sorte de "perspective atmosphérique" qui s'incarne dans la réalité vivante loin de toute abstraction et en même temps si proche." (Jean-Claude Guiguet, "Réflexions", Manoel de Oliveira, sous la dir. de Jacques Parsi, 2001)
PS : voir aussi sur le site de France Culture, ou le blog d'Olivier Père.
Pas mal de médias en ont déjà parlé, mais l'envie de relayer l'info reste trop forte : Paris accueillera en septembre (voire fin août, les sources divergent) le tournage du prochain film de Manoel de Oliveira. J'avais évoqué Gebo et l'ombre ici, alors que l'avance sur recettes du CNC venait de lui être refusée ; la dernière commission semble avoir donné des résultats plus heureux.
Ce projet, adapté d'une pièce de Raul Brandão* datant de 1923 (O Gebo e a sombra), marquera les retrouvailles du maître portugais avec Michel Piccoli. Belle toujours, sorti chez nous en 2007, représentait à la fois leur dernière collaboration en date et le dernier film tourné en France par de Oliveira. Jeanne Moreau devrait rejoindre l'équipe qui compte déjà l'épouse de Michel Piccoli, Ricardo Trêpa et Leonor Silveira.
Ah… Du beau monde qui vient à Paris bientôt… Mon problème très perso : MOIJE serai surtout au Portugal en septembre… Comme citait mon grand-père : y a comme un défaut…
* important auteur portugais du début du XXème qui a longtemps vécu à Guimarães (ville dont je reparlerai sans doute bientôt). Humus est considéré comme son chef-d'œuvre.
Source principale
J'avais évoqué une famille de cinéma entourant Manoel de Oliveira : celle de ses comédien(ne)s, celle qui s'enracine au plus tôt dans l'œuvre, avec Luis Miguel Cintra, Leonor Silveira ou Diogo Dória, pour ne citer qu'eux. Mais, par ailleurs, quelque chose m'avait totalement échappé… étrangement parce que, quand même, sans être bien pointu, ça m'arrive de faire gaffe… et là… j'avais toutes les raisons du monde de le faire… mais…
Jeudi soir, je me suis offert ma première séance de L'Etrange affaire Angélica, sorti la veille, bien après sa présentation à Cannes via Un certain regard. Il est évidemment trop tôt pour que MOIJE élucubre, mais je peux confier qu'une fois rentré chez moi, j'ai laissé filer quelques heures sans pouvoir ni vouloir songer à autre chose qu'au film.
Je recommence.
Je suis allé m'offrir ma première séance de O Estranho Caso de Angélica au Nouveau Latina qui proposait une rencontre avec l'équipe dite "technique", soit notamment Sabine Lancelin (directrice de la photo), Valérie Loiseleux (monteuse), Christian Guillon et Philippe Szabo (effets spéciaux, si, si) et Christian Marti (chef décorateur), en compagnie de Daniel Chabannes, distributeur avec Epicentre films (qui avait par exemple sorti Mourir comme un homme l'an passé *).
Aveu honteux : je n'ai réalisé que jeudi soir que Valérie Loiseleux est la monteuse des films du Maître depuis vingt ans, depuis La Divine comédie (et a donc monté la quinzaine de films que j'ai vus à ce jour), ou que Sabine Lancelin y compose ses lumière depuis dix ans, depuis Je rentre à la maison en 2001. Hum. C'est pourtant pas exactement comme si leur travail respectif ne m'avait pas semblé particulièrement remarquable jusqu'à jeudi, bien au contraire, mais passons sur ce drame personnel d'un retour de bêtise et de paresse - probablement héritées des pratiques médiatiques - dans ma face !
Ce qui compte : c'était bien, cette rencontre. Pas le temps que ça prenne assez, d'aller plus avant que ce que tous pouvaient dire presque spontanément, mais : ils étaient bien, les gens ; ils étaient simples, directs et concrets. Très vite, ils te permettent d'apercevoir la création du film, ses enjeux, ses spécificités. Hum : j'ai pris zéro note, j'étais tout oreille (et tout sourire).
Mais quand même ça : c'est bien dans les diverses fidélités, la compréhension intime qui en découle (ces complicités qui n'ont plus besoin des mots), que se joue aussi la possibilité pour Manoel de Oliveira de poursuivre son œuvre. La "gestion" de l'effort, à trouver pour que la vision s'actualise, ne pourrait reposer sur un homme seul de plus d'un siècle, aussi brillant et résistant soit-il.
Dans le cas d'Angélica, ces unions qui font la force sont comme poussées à un paroxysme, le film ayant été tourné en quatre semaines, monté en cinq (effets spéciaux inclus, grosso modo) et à peu près en même temps, le tout donnant un tournage débutant en mars et un film présenté à Cannes en mai. Sur le plateau, la prise unique est privilégiée, et les répétitions avec les comédiens (il n'y a guère que le visage d'Angélica que je ne connaissais pas de films précédents) sont réduites au maximum. Et de cette urgence singulière et de ce travail ensemble naît bien un nouveau film de Manoel de Oliveira. Alors, l'enchantement procuré par le film vient encore se doubler, après vision, de la magie de ce rassemblement autour d'une vision, comme rarement.
Cela évoquerait comme une contagion ou un envoûtement, mais sans la dépossession de soi, à écouter Philippe Szabo, jeune homme qui s'est occupé des effets spéciaux, raconter comment il s'est retrouvé à recréer "du Méliès" à l'ère du numérique et des moyens qui lui sont propres (et qui n'ont évidemment plus rien de commun avec les trucages optiques d'antan). Et qu'est-ce que c'est beau… Et, dans ce geste là, il y a une forme de transmission, passant par l'appropriation, que je ne démêle pas bien mais qui m'émeut beaucoup.
Reste qu'à faire un tour sur imdb, la France serait le premier pays où sort le film (mais "l'Avance sur recettes" du CNC vient d'être refusée au prochain Oliveira **) qui n'aurait que des festivals à son compteur et la ville de New York (un écran). Evidemment que L'Etrange affaire Angélica ne prendrait d'assaut le box-office d'aucun pays, mais il y a décidément quelque chose de pourri au royaume de Danemark. Même si - par la grâce de quelques résistances -, pas que : le film est là.
* Epicentre films avait également distribué Christophe Colomb, l'Enigme et Singularités d'une jeune fille blonde.
** Rectificatif du 20 mars. J'avais d'abord mal compris, et écrit que c'était L'Etrange affaire Angélica qui s'était vu refusé "l'Avance". Il s'agit en fait du prochain film que doit réaliser Manoel de Oliveira, à savoir Gebo et l'ombre (titre provisoire), avec Michel Piccoli et Jeanne Moreau, dont le tournage devrait quand même débuter sous peu. En remerciant beaucoup Daniel Chabannes pour ces précisions, d'autant que si j'attendais déjà avec impatience A Igreja do Diabo, j'ignorais encore ce nouveau projet et donc, malgré cette triste et incompréhensible nouvelle côté CNC, c'est la fête !
(et dans d'autres mots)
Tip Top
- Serge Bozon
&
on en reparle
Spring Breakers