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10 décembre 2017 7 10 /12 /décembre /2017 14:27

   

 

Dancing de Patrick Mario Bernard, Pierre Trividic et Xavier Brillat

 

 

 

 

Tout à coup, je ne m’y attendais pas du tout, le film m’a fait un bien fou. C’ était très précieux de voir une telle confiance dans le spectateur (je me le dis rétrospectivement, ce n’était pas la cause première de ma joie sur l’instant), que celui-ci va maintenir sa confiance aussi, que quelque chose pourra advenir. J’ai l’impression que cela fait longtemps que je n’ai pas vu un film où quelque chose advient. 

 

Quelques fois, c’est après l’œuvre. Quand ça arrive, je pense à ces petits objets en verre avec de la neige dedans. Sauf que, là, ce qui est joli, ce n’est pas lorsqu’on secoue et qu’alors la neige vole dans l’eau ; ce qui est beau, c’est que quelque chose a été secoué, quelques fois très doucement, avec une infime délicatesse, et alors la neige s’est redéposée comme plus justement. Comme si une position inconfortable de l’âme avait été résolu. 

 

Et là, devant Dancing, quand le film entreprend de se dénouer, je crois qu’on peut dire comme ça, alors tout s’est redéposé en moi, un peu mieux, le paysage respirait davantage. Et cela m’a fait comme un élan d’amour envers ces deux hommes (ou trois), dont je me sentais en même temps tellement éloigné, et plus du tout, ou presque. J'avais pourtant bien senti passer en moi, jusque là, la tentation de l’impatience, la tentation de l’étiquette, ou même celle de l’ennui, la tentation seulement, mais elle nourrissait une inquiétude lorsque le film s’arrêterait : la tentation de savoir à l’avance que ce ne serait qu’un film de plus. Et je le reverrai plus tard, peut-être, pour préciser davantage, peut-être... Mais d’ici là, je sais déjà que c’était tout sauf ça. 

 

 

 

 

 

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13 janvier 2014 1 13 /01 /janvier /2014 02:46


***Meute de SPOILERS***

 

 

 

Prisoners - The Grey

 

 

 

 

Différant de nombreuses fictions survival avec avènement d'une jouissance (ou accomplissement d'un fantasme) à se vivre en grand prédateur ou en pure pulsion d'assaut, le scénario du drame/thriller Prisoners donnerait à vivre un programme ne-pas-avoir-le-choix-d'être-autre-chose-qu'un-loup-pour-survivre sur un mode tragique de fatigue et de conscience douloureuse. Il ferait ainsi strictement corps avec le personnage défendu par Hugh Jackman. Mais le refus final de consolation - seul point qui me surprend ici pour un film aussi proche d'Hollywood, malgré ses allures indépendantes - ne me semble pas s'y réduire. J'y pensais en sortant du film avec le sentiment que je n'y étais pas préparé, malgré tout. Je me sentais éventuellement préparé à ne pas voir revenir les fillettes ou bien à les voir revenir et alors - aussi brève soit-elle - à ce que la scène de consolation survienne : les retrouvailles avec les parents (avec un Jackman en partie devenu ou plutôt advenu inconsolable, car c'est son programme initial - l'horreur est ce qu'il a depuis toujours vécu d'avance, il est attente d'une catastrophe).

 

Mais ce petit décalage-là a renforcé le sentiment de ce possible bizarre : et si la singularité (très relative) du film tenait surtout à un écartèlement ? J'ai l'impression que le réalisateur n'a pas le même point de vue sur ce qu'il filme que le scénariste. J'imaginerais peut-être que la scène de consolation était écrite, que tout y conduisait, mais que ce n'était pas exactement cette histoire-là que Villeneuve avait envie de filmer, pas faire corps avec le personnage de Jackman au point de lui donner/reconnaître essentiellement raison. Je l'imagine presque, face aux executives, se battant en douce sur le fait que le film est long, que tout le monde a compris, que la petite fille est sauvée, ce n'est pas la peine d'en rajouter. Cut

 

Ce déplacement dans la réalisation donnerait un peu de son air au film, en tentant notamment de privilégier la figure de Jake Gyllenhaal comme relais pour nous *. Parce qu'il y a un truc indépassable dans ce scénario implacable, quelles que soient les zones de gris et les atermoiements qu'on y ajoute : c'est parce que Jackman a séquestré le malade que sa petite fille est sauvée, le psycho méchant loup se sentant alors trop seul en a mis les fillettes à ses côté au lieu de les laisser crever dans sa fosse (une des très faibles ficelles narratives). Point. On ne peut pas aller plus loin que ça : si Jackman n'enlève pas le timbré, les fillettes sont mortes avant la fin du film qu'on voit. 

 

[Plus subtile je trouve et plus joueuse : la manière dont Roman Polanski déploie sa Vénus à la fourrure contre (en partie) la pièce originale qu'il met en scène. Il est beaucoup plus complexe que la bien-pensance féministe états-unienne du texte et s'en sert avant tout comme quête d'un dernier espace de jeu - et le film est aussi une ode au jeu, et à Emmanuelle Seigner et son jeu (les deux ensemble presque éternellement ignorés en dehors de lui). En allant vite, on peut dès lors voir le film comme très féministe, ou son contraire, alors qu'il me semble viscéralement ambivalent sur le questionnement l'homme-est-un-loup-pour-la-femme - dans une vraie honnêteté de la part de Polanski. Le film de Villeneuve baigne davantage dans l'ambiguïté à bon compte d'un divertissement disons un peu haut de gamme vu la moyenne générale.]

 

Bref, Prisoners ne me semble pas quant à lui dans une schize très inspirée (possiblement parce qu'elle est "externe") et sur son programme pas très joli-joli à mes yeux mais passons (voir aussi la place des femmes), survivrait avant tout le savoir-faire. En route donc pour une belle photo tristement léchée, un bon rôle pour Hugh Jackman (il devient patent qu'il veut maintenant un oscar, ça doit être stressant pour Pitt), du temps que l'on prend un peu, et cela peut suffire à ne pas se fracasser la tête contre les murs au regard de l'intrigue policière dont la somme des faiblesses/facilités peut violemment consterner. Alors il n'est pas déplaisant de vérifier qu'un film non calibré teenagers peut être rentable y compris sur le territoire états-unien avec des plans de plus de deux secondes sans être en 3D (reste à savoir s'il lui faut en ce cas être aussi fondamentalement conservative). Tout de même, ce qui est à l'oeuvre aussi, c'est de l'attention, du soin (tendance sadique sourde), et cela peut malheureusement suffire aussi à distinguer un peu. Surtout : un camping car garé qui malaise drôlement. Aussi : le climax émotionnel sèchement poignant quand le scénar' et le réal' sont un instant ensemble uniquement dans l'expression de la souffrance coupable de Jackman quant à sa fille  - quelque chose comme "elle se demande tous les jours pourquoi je ne viens pas la sauver, ce n'est pas vous qu'elle attend" (d'où l'importance accrue ici de la "consolation"). Peut-être : une échappée en voiture qui floute un peu le simple brio d'exécution. Dans ces trois cas là, quelque chose tremblerait, pour de bon. 

 

 

 

 

 

 

* Mais ce personnage reste squelettique et ne serait pas si loin de celui de Jessica Chastain de Zero Dark Thirty, se définissant avant tout par son action qui est une expression de la loi. Hors Prisoners ne risque pas de s'autoriser le presque pur terrain de jeu d'immédiateté expérimenté par Bigelow/Chastain (qui libère en partie le spectateur, outre la modernité du rapport au jeu), et l'opacité du personnage n'est ici qu'un court-circuit : le déguisement psychologique du policier (houlala il a pas l'air d'aller bien du tout non plus) assure une empathie facile et ne nous propose pas tant de questionner/éprouver quoi que ce soit que de feel bad for tout le monde. Prisoners me semble valoir surtout comme simple feel bad movie.

 

 

 

(Elucubrations d'alors sur The Grey (Le Territoire des loups) de Joe Carnahan.) 

 


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29 octobre 2013 2 29 /10 /octobre /2013 07:50


 

Cate blanchett - Blue Jasmine - Woody Allen

 

 

 

 

J'aime bien le travail d'Isabelle Czajka, même si son troisième long me laisse davantage sur ma faim que D'amour et d'eau fraîche voire L'Année suivante. C'est aussi, mais pas seulement, que ses variations sur les classes moyennes (upper cette fois) restent trop peu abordés par le cinéma français : cette manière de creuser un sillon m'est sympathique. Et puis, il y a ce lien aux acteurs : le casting est une nouvelle fois assez impeccable dans La Vie domestique, et heureusement sans tomber dans le "film d'acteurs". Le plus stimulant pour moi se joue là, et avec Emmanuelle Devos (ahhhhhhhhhh... Emmanuelle Devos...) cette fois : c'est l'espace où vient tout à coup lâcher le corset de la sur-écriture du scénario. Ainsi de la scène du repas final où, à l'issue d'une "révélation" violente, Emmanuelle Devos s'isole dans "sa" cuisine : tout à coup, un indécidable poignant surgit - sans que l'on craigne un bigger than life déplacé -, une justesse non photocopiée vient me terrasser. Et aller chercher ces moments-là, ensemble, ce n'est pas rien. (En outre, ça me redonne de l'air de voir un peu le cinéma aux côtés de femmes.)

 

Il y a un peu de ça aussi dans le dernier Woody Allen, sur un autre sillon, plus expérimenté et probablement plus profond, dans des modes de jeu totalement étatsuniens. Mais le coeur du film serait avant tout là, dans cette manière de créer quelques instants inouïs avec Cate Blanchett portant sa virtuosité technique à l'incandescence. Elle est vraiment exceptionnelle dans Blue Jasmine.

 

L'autre point commun qui m'apparaît, c'est un écueil d'écriture tendance "jabac" (j'aime bien les "jabac", mais si quelqu'un ne vient pas contrer leur penchant, c'est terriblement mortifère, ce que ces deux films sont un peu, surtout le Czajka). Le Allen est sûrement plus riche, et c'est la moindre des choses, mais sa misanthropie (qui bride aussi un peu artificiellement l'écriture et le regard) fait que je ne lui resterai peut-être pas beaucoup plus attaché. Ce qui m'importe : deux films que l'on peut s'offrir pour leur dynamique entre une actrice et leur metteur en scène (ce qui reste bien plus rare donc que des films s'endormant sur des performances d'acteurs).

 


 

 

Emmanuelle Devos - La Vie domestique - Isabelle Czajka

 

 

 

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21 juillet 2013 7 21 /07 /juillet /2013 11:44

 

***SPOILERS***


 

 

 

Frances Ha - Noah Baumbach 

 

 

 

Je ne trouve pas facile de qualifier la force qui me touche dans le personnage de Frances : ni entêtement, ni détermination, ni obsession, et pas non plus figure de résistance ou de foi. Quelque chose de plus discret (peut-être avec l'écho mathématique, hors continuité - le montage en serait aussi l'expression), d'un peu plus roseau sauvage et de plus dansé, bien sûr. Persistance me semble possible. C'est ce que j'aime le plus dans le film, qu'il s'attache à ça, et qu'il aille jusqu'à l'épiphanie.

 

Ce qui est beau aussi dans cette persistance, cette intime conviction, c'est la nécessité d'assimiler pour de bon ce qui se propose, de ne jamais aller trop vite, d'où toujours de légers décalages (de quelques quart-d'heures pour l'idée d'aller à Paris - fausse proposition transformée en vraie, Frances est alchimiste -, de quelques semaines pour prendre le poste administratif dans la compagnie). Une forme d'intransigeance sans violence. 

 

Dommage que les moments de "révélation" ne soient pas vraiment inspirés (peut-être les dialogues les plus faibles du scénario), mais ils resteraient joliment situés. La confession de Frances vient en réponse au repas qui la précède : c'est une urgence qui sort tout à coup à un moment où cela manque. Une urgence intuitive, ni raisonnée, ni démonstrative, simplement : quelque chose en Frances s'extrait et se sauve. Elle dit qu'elle attend le moment d'un échange de regards simplement "avec" quand elle vient de baigner dans les échange de regards strictement "contre". 

 

Et l'avènement l'arrachera au commentaire inespéré de la chorégraphe tant respectée, et tout autant, elle s'arrache : elle s'extrait et se sauve. Le petit événement a lieu, qui voudrait qu'au coeur d'une soirée où le social s'ébroue (phénomène accentué ici par le fait que presque tous les protagonistes du film se retrouvent convoqués pour le finale), deux personnes se regardent et ce regard est un lien, un amour. C'est tout. C'était inatteignable. Et tout à coup, c'est là. 

 

Tout à coup, c'est là. C'est une naissance. Cela donne un nom. Comme le début d'un rire, comme une exclamation. 


 


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17 juin 2013 1 17 /06 /juin /2013 00:04

 

Cloud Atlas - Wachowski

 

 

 

 

J'ai eu du plaisir à regarder se dérouler Cloud Atlas, mais je ne reconnais pas de souffle à ce film. Qu'il ne soit pas cynique, pas manipulateur, mais sincère et réalisé avec envie, c'est possible, et peut-être que mon plaisir vient de là, du fait de croire à ça. En sourdine. Je ne vois rien de révolutionnaire ou de passionnant dans cette proposition. Le tour de passe-passe temporel est amusant mais vain, totalement sous-exploité narrativement (la séquence contemporaine est particulièrement faible de ce point de vue ; le point de rencontre de toutes les séquences supposé être un climax ne saurait être plus facile - aucun travail d'agencement, de mise en rapport, ni intellectuellement, ni intuitivement, juste la répétition du même). La récurrence des comédiens qui aurait pu être assez vertigineuse s'avère une autre paresse confondante. Ecrire que narrativement Cloud Atlas est un tour de force, argument commun à de très nombreux défenseurs, me semble une aberration.

 

Tout cela ne dépasse peut-être guère de beaucoup la possibilité d'un film choral qui ne soit pas simplement raté à force d'être regardé d'en haut. Au mieux, je pourrais suivre le spectre DB qui relie la construction de ce récit à celui de séries télé. Au pire, on pourrait aussi bien le lire comme un programme n'intégrant que son propre zapping de surface, comme les émissions télé ont appris à le faire depuis vingt ans.

 

Est-ce que Cloud Atlas est une proposition monstre, incroyablement ambitieuse ? Je ne trouve pas. Mais pas du tout. Son envie de départ l'est peut-être, le roman dont il est tiré certainement. Southland Tales, faisant feu de tout le bois de son petit budget en comparaison, reste à mes yeux un geste autrement plus inattendu, inconfortable, ludique et fouillé, tant bien même il serait complètement raté.


 

 

 

PS : il y a un plan que j'ai beaucoup aimé : celui d'Hale Berry dans sa voiture au moment de l'impact. Le reste est formellement d'un convenu presque sidérant, même si le film est moins sur-découpé qu'il ne pourrait au regard des standards actuels.


PPS : troisième (et dernière) fois consécutive que je poste sur un film qui ne m'intéresse pas plus que ça. Tant que je ne pioche pas mieux pour moi, tant pis, mieux vaut publier des images... 

 

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6 mai 2013 1 06 /05 /mai /2013 21:01

 

 

Promised Land - Gus Van Sant

 

 

 

 

Que faire du scénario de Promised Land ? Qu'y puiser qui pourrait donner naissance à un film ? Je n'arrive même pas à voir qui est censé être édifié par ce tract. La seule piste que j'apercevais, c'était celle du portrait, le portrait de ce mec joué par Matt Damon, le portrait d'un mec au moment où il prend une décision. Mais comment faire le portrait d'un mec sans personne autour, je ne sais pas non plus. Parce que c'est ça : il y a qui à part des figures réductibles à leur fonction d'illustration (on dira du débat) ? Il y a des gens pour faire joli : la "girlfriend", le "boyfriend" (exposés et résolus faut voir comme !). Il y a un petit peu Frances McDormand. Mais d'une certaine manière : rien ne se joue avec elle, d'aucune manière, c'en est presque intrigant (et finalement, pour de bon, le seul beau portrait, en creux, c'est celui de ce second rôle).

 

Evidemment passent quelques saynètes ou arguments qui pourraient mériter le détour s'ils jouissaient d'un tantinet de développement : le vieux qui se dit que peut-être il peut encore raisonner sur l'idée de "dignité" parce qu'il va mourir dans pas trop longtemps ; le tout dernier argument que sort "l'écolo" pour défendre sa cause (genre : qu'est-ce qu'on fait quand les gens n'en ont plus rien à foutre de rien, quand toutes les malversations sont possibles par le seul pouvoir de l'argent ?).  Mais tout ça ne fait que passer, signaler le fait que les auteurs ont des "idées", ils en ont sûrement beaucoup et ils n'en ont gardé qu'une tellement elle tue : le machin qui sert à faire le twist. Et bien sûr que le machin qui sert à faire le twist ne serait pas en soi inintéressant, s'il n'était pas que rapidement exploité et surdéterminant pour que Matt Damon prenne une décision, rien d'autre n'existant vraiment. Et surtout pas le monde rural où l'histoire prétend s'inscrire, dont nous ne verrons rien d'autre qu'une image d'Epinal utile au propos. On notera juste comme les deux seuls quart de personnages locaux un peu rehaussés (l'ingénieur et l'institutrice) sont deux personnes fondamentalement liées à la ville.

 

Et nous saurons donc gré à Matt Damon et John Krasinski de leur humanisme à bon compte... Qu'est-ce qu'on peut faire avec ça ? Gus Van Sant ne m'a pas l'air d'avoir trouvé la réponse s'il y en a une, ou alors quelque chose d'élégamment filmé avec des séquences un peu vivantes ou rigolotes : un joli produit culturel, dont le formatage du récit n'en finit pas de me sidérer : avec le ouahhhhhhh... plan d'ouverture qu'on retrouve au moment crucial, et comme c'est fin, je suis un peu sur les dents, je crois que ça se sent. Le plus grand intérêt de Promised Land est-il de se rappeler qu'aujourd'hui, il n'est peut-être plus possible pour quelqu'un comme Gus Van Sant de tourner un film assez largement distribuable qui soit autre chose que ça ?

 

 

 

 

Edit du 6 août 2013 : tout aussi loin du "consensus critique" sur ce film, ce post de JM

 

 


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21 avril 2013 7 21 /04 /avril /2013 14:08


 

Spring Breakers - Harmony Korine

 

 

 

 

Je regarde le film. Je me dis que je ne comprends rien. Par moments, j'ai l'impression de comprendre un "truc", mais comme je trouverais ça affligeant de lourdeur et facilité, je désamorce aussitôt et je me répète : non, ce n'est pas ça, tu ne comprends pas. Respire et recommence. Pour partie, c'est intuitif et immédiat, c'est un rapport aux aspects "graphiques", "plastiques", du film - ce ne sont pas des mots que j'ai l'impression de maîtriser - mais c'est par là. Pour partie, c'est la persistence d'une conjonction qui a fini par me donner envie de voir le film : je n'ai jamais vu un film d'Harmony Korine et j'étais curieux que ça arrive ; Spring Breakers avait l'air d'intéresser beaucoup de monde. Arrive la scène dans la propriété du dealer black, et j'en suis au même point : le "truc" me prend à la gorge, et la consternation pointe, je désamorce : je ne comprends rien. Mince, c'est fini. 

 

Je discute un peu avec les amis. Je laisse décanter à peine. J'ai l'impression d'attendre une révélation : "bon sang, mais c'est bien sûr"... Et vais donc me plonger assez vite dans l'enthousiasme de la critique... Et : pas de bol, parce que ce serait finalement super bien à cause... du "truc" que j'ai passé le film à écarter. Il est question d'"état terminal du contemporain et de la civilisation capitaliste", de "l'hédonisme, le consumérisme et le matérialisme incarnés jusqu'au délire", d'un nihilisme de la jeunesse et de l'époque, et leur vulgarité, et de "Korine a compris que les images de l'époque valaient tous les commentaires sur les images de l'époque". OK. Dommage (en tout cas pour moi). Si c'est vraiment ça, le "traitement" me consterne. Mais je crois pas. 

 

Si j'ai écarté le "truc" en permanence, ce n'est pas seulement parce que je trouve ça pas possible de lourdeur et de facilité, mais aussi parce que Korine m'a l'air plus fin et/ou compexe que ça (me paraît très évident par exemple que le rapport avec Britney Spears n'est pas du tout pour lui celui très paresseux de la presse française... et si vraiment il s'avérait l'être : quel intérêt ?). Mais peut-être que Spring Breakers n'en est pas autre chose qu'une lointaine trace. Peut-être que Spring Breakers a davantage à voir avec un geste très léger de quelqu'un qui à un moment a le désir (pas cynique, mais un peu malin ou fatigué) de jouer la carte d'une forme de reconnaissance et/ou de succès possibles, qu'avec, disons, un "geste politique fort" (tout le monde convoque Godard). J'ai l'impression que c'est possiblement bêtement ça. Peut-être aussi que Spring Breakers est à regarder totalement autrement, qu'il faut ne s'attacher qu'à son aspet "plastique", peut-être que c'est passionnant par là. Je sais que ce n'est pas ma manière ou une de mes manières de voir les films. Je me dis que c'est dommage que quelqu'un comme Joachim Lepastier n'ait pas écrit sur le film. Sinon...

 

 

 

 

PS : marrant léger point de rencontre entre les filles en bikini, au moins les deux dernières, et Jessica Chastain dans le Zero Dark Thirty de Bigelow. Une volonté commune aux deux réalisateurs (peut-être) de sortir du psychologique à l'anglo-saxonne, qui devient presque forcenée (alors que je ne questionne pas du tout la légitimité de s'affranchir de la toute-puissance de ce principe directeur dans l'écriture de personnages). Bigelow ne tient pas son pari (la très malheureuse dimension personnelle que prend la traque après la mort de la collègue). Korine me semble le tenir, au moins pour les deux dernières filles donc, mais à tout prix, je ne trouve pas que ça produise quelque chose (encore une fois, autrement que "plastiquement"). 

 

 

 

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17 février 2013 7 17 /02 /février /2013 08:31

 

 

Les Bêtes du sud sauvage - Benh Zeitlin

 

 

 

 

Regarder Les Bêtes du sud sauvage, cela peut-être comme se sentir soudain devenir soi-même une digue que le film vient battre sans relâche. Son ouverture est un assaut têtu sur le spectateur (plongée plus que directe dans la vie d'Hushpuppy et sa subjectivité, caméra fort secouée, volontés lyriques et documentaires immédiatement enchevêtrées) : elle (me) donne tant envie d'y céder que d'y résister. 

 

A un moment, je lis ça : "le film est moins déséquilibré par une authentique fièvre que par un volontarisme un peu calculateur - Zeitlin semble parfois oublier la différence entre travailler le trop-plein et jouer sur tous les tableaux" (Cyril Béghin - Cahiers du cinéma, n° 684). Je me dis que c'est par là, à condition de bien garder le "parfois".

 

Et puis finalement, ça m'importe peu, la digue rompt soudain avec un refuge dans une boite en carton dans une maison en feu. Je ne comprends pas ce qui se passe pour moi à ce moment-là, ce n'est pas seulement parce que la danger qui arrive n'est plus familier (le feu qui surgit alors que tout baigne, si j'ose dire), mais là, tout à coup, j'ai l'impression d'avoir à mon tour l'oreille contre le cœur du film et je n'aurai plus envie de la décoller, pas pour de bon. 

 

Cette fois, j'y suis, avec cette fille, avec son père, avec leur vif entêtement, un peu comme j'étais avec la Gloria de Cassavetes et son petit garçon d'adoption, lui qui répétait en criant "I am the man" pour s'opposer un peu, et Hushpuppy qui fait tonner son "I'm the man" en canon avec son père. 

 

Et je crains, et j'espère, les aurochs, aux côtés de la fillette de l'eau. 

 

 

 

PS : denses notes sur le film chez Edouard.

 

 

 

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26 décembre 2012 3 26 /12 /décembre /2012 13:42


 

Fantastic Mr Fox - Wes Anderson

 

 

 

 

Revoir le film d'animation de Wes Anderson m'aura laissé un peu sur ma faim. Il passe toujours très vite, tant il y a un plaisir constant à donner des yeux et des oreilles un peu partout : le travail sur les décors et celui sur les voix restent particulièrement jouissifs. Bill Murray et Jason Schwartzman sont impeccables, George Clooney vraiment à tomber par terre : j'étais très surpris d'apprendre qu'il est inhabituel de mettre les comédiens dans les situations comme ici, tant il est évident que cela renforce considérablement le jeu. La mise en scène est inventive et chatouille tout du long... mais vers quoi...

 

Oui, tout va très vite dans Fantastic Mr Fox, et j'avais comme une ivresse joyeuse à la première vision. Mais ma capacité d'émerveillement, sans cesse réactivée par le soin et l'énergie apportée au film - ce qui n'est évidemment pas rien -, finit toujours par se casser les dents. Je ne vois rien qui m'arrête un peu, qui me trouble - même la séquence du loup me semble presque expédiée -, comme si rien n'avait le temps de faire chair. 

 

Tout en me semblant autrement plus abouti, le film me rappelle un peu mon expérience récente devant Looper, qui ne fait longtemps qu'accumuler signes et idées, comme un programme perpétuellement enrichi, mais où rien n'a le temps de vivre (c'est moins pire quand il commence à regarder la charmante Emily Blunt). 

 

Il y a quelque chose comme ça pour moi dans le film d'Anderson : j'attends joyeusement que ça commence... C'est une ligne très claire, en mon sens plus simplifiée que simple (voir les partitions auxquelles sont cantonnées l'épouse et la petite copine), qui m'appelle finalement plus à un émerveillement "bon enfant", tant bien même de très bon goût - et ô combien bien pensant -, qu'à un véritable rapport à l'enfance.  

 

C'était chouette pour Noël. Je lui reste attaché. Gentiment et sagement.


 

 

 

PS : une piste plus excitante chez Buster, même si je ne parviens pas à la suivre. 

 

 

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30 novembre 2012 5 30 /11 /novembre /2012 22:59


 

Pascal Laugier & Jessica Biel - The Tall Man (tournage)

 

 

 

 

A relire ce que j'avais écrit sur Martyrs, je me rends compte que je pourrais pratiquement reprendre mot pour mot le premier paragraphe en l'appliquant à The Tall Man (sottement rebaptisé The Secret en France). Ce n'est pourtant pas la sensation que Pascal Laugier fait du surplace qui m'y amènerait, mais le même trouble, la même intranquillité, finit par me saisir. Et c'est ce qui me rend le film plus cher que je ne le trouve à proprement parler "réussi". 

 

Tout au moins, ce que confirme The Tall Man, c'est cette capacité qu'à Laugier de choisir et d'accompagner ses actrices. Il est, à mon avis, un des (trop) rares hommes au cinéma à (réellement) vouloir filmer des femmes, et à (singulièrement) pouvoir le faire. Peut-être que le plus beau trouble de ses deux derniers films vient de ce mélange de douleur assumée qu'il balance et de très grand amour (irréductible au sentimentalisme, à la soif d'icône, ou même au désir) qu'il exprime. 

 

Marrant comme ce qui me retardait de voir le film, c'était mon absence totale de curiosité envers Jessica Biel, qui est évidemment très bien : Pascal Laugier aime les actrices, pour de vrai, et ça (me) fait du bien. 

 

 

 

 

PS : belle présence de Jodelle Ferland aussi, certainement reprise de Silent Hill que je viens de découvrir (proposition qui me semble avoir terriblement mal vieilli, si tant est que...).

 

 

 

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