Que faire du scénario de Promised Land ? Qu'y puiser qui pourrait donner naissance à un film ? Je n'arrive même pas à voir qui est censé être édifié par ce tract. La seule piste que j'apercevais, c'était celle du portrait, le portrait de ce mec joué par Matt Damon, le portrait d'un mec au moment où il prend une décision. Mais comment faire le portrait d'un mec sans personne autour, je ne sais pas non plus. Parce que c'est ça : il y a qui à part des figures réductibles à leur fonction d'illustration (on dira du débat) ? Il y a des gens pour faire joli : la "girlfriend", le "boyfriend" (exposés et résolus faut voir comme !). Il y a un petit peu Frances McDormand. Mais d'une certaine manière : rien ne se joue avec elle, d'aucune manière, c'en est presque intrigant (et finalement, pour de bon, le seul beau portrait, en creux, c'est celui de ce second rôle).
Evidemment passent quelques saynètes ou arguments qui pourraient mériter le détour s'ils jouissaient d'un tantinet de développement : le vieux qui se dit que peut-être il peut encore raisonner sur l'idée de "dignité" parce qu'il va mourir dans pas trop longtemps ; le tout dernier argument que sort "l'écolo" pour défendre sa cause (genre : qu'est-ce qu'on fait quand les gens n'en ont plus rien à foutre de rien, quand toutes les malversations sont possibles par le seul pouvoir de l'argent ?). Mais tout ça ne fait que passer, signaler le fait que les auteurs ont des "idées", ils en ont sûrement beaucoup et ils n'en ont gardé qu'une tellement elle tue : le machin qui sert à faire le twist. Et bien sûr que le machin qui sert à faire le twist ne serait pas en soi inintéressant, s'il n'était pas que rapidement exploité et surdéterminant pour que Matt Damon prenne une décision, rien d'autre n'existant vraiment. Et surtout pas le monde rural où l'histoire prétend s'inscrire, dont nous ne verrons rien d'autre qu'une image d'Epinal utile au propos. On notera juste comme les deux seuls quart de personnages locaux un peu rehaussés (l'ingénieur et l'institutrice) sont deux personnes fondamentalement liées à la ville.
Et nous saurons donc gré à Matt Damon et John Krasinski de leur humanisme à bon compte... Qu'est-ce qu'on peut faire avec ça ? Gus Van Sant ne m'a pas l'air d'avoir trouvé la réponse s'il y en a une, ou alors quelque chose d'élégamment filmé avec des séquences un peu vivantes ou rigolotes : un joli produit culturel, dont le formatage du récit n'en finit pas de me sidérer : avec le ouahhhhhhh... plan d'ouverture qu'on retrouve au moment crucial, et comme c'est fin, je suis un peu sur les dents, je crois que ça se sent. Le plus grand intérêt de Promised Land est-il de se rappeler qu'aujourd'hui, il n'est peut-être plus possible pour quelqu'un comme Gus Van Sant de tourner un film assez largement distribuable qui soit autre chose que ça ?
Edit du 6 août 2013 : tout aussi loin du "consensus critique" sur ce film, ce post de JM.