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8 septembre 2007 6 08 /09 /septembre /2007 00:58

Cet article est la suite de ...(II)… ou No Attame, le tout bien sûr truffé de spoilers.




Deathproof (Boulevard de la mort…) donc : il est permis de m’appeler Gratounette…

Et je n’en reviens pas que ce qui m’a écorché pendant le film soit écrit noir sur blanc dans un entretien donné aux Cahiers du cinéma (Juin 2007, le numéro avec un très bel article dont j’ai déjà parlé sur Zodiac).

C’est vrai : il y a plein de trucs hyper divertissants et agréables voire excitants dans le film, et c’est drôle, et on ne peut que remarquer un certain boulot visuellement, et tout, et… dès la première partie : ça ne va pas comment on leur fait la peau aux filles.

Pas dans ce type de processus-là. Je trouve.


Femme-Fatale.jpg

Tarantino le dit mieux que je ne saurais le faire, alors je le cite directement : « J’ai réfléchi à cette scène [la collision fatale] pendant tellement longtemps… Ce qui précède la collision est encore plus important. La musique, la juxtaposition des plans dans la voiture des filles et de ceux dans celle de Mike, la montée en puissance, l’attente… Et bam !!! […]

Dans cette scène, je pense constamment au public. J’aime jouer avec lui, l’emmener dans des endroits inédits. Quand je fais l’amour à une femme, je suis attentif au moindre des bruits qu’elle fait, afin de l’emmener là où je veux, jusqu’à la jouissance. Pareil avec le public. Ce que j’essaie de vous suggérer avec cette métaphore sexuelle, c’est que, pendant que la musique monte et que vous entrez dans le rythme, vous êtes Stuntman Mike : vous voulez que la collision arrive.

Les Cahiers -  Pas sûr. Les filles sont très attachantes.


Millenium-Mambo.jpg

Tarantino -  Je pense que si. Here’s my point : you want the sensation. Laissez-moi vous dire exactement ce que je pense : si au dernier moment, après tout cet énorme travail de mise en condition, la conductrice aperçoit la voiture qui fonce vers elle et fait un écart pour éviter la collision, vous vous sentirez floués. Ce qui prouve que vous désirez la collision. Non seulement vous la désirez, mais en outre ce désir fait de vous Stuntman Mike. Vous êtes comme lui, vous désirez le choc. Et voilà qu’il arrive. Mais d’une manière encore plus horrible que ce que vous imaginiez. Ce n’est pas vraiment ça que vous désiriez [Tarantino frappe son poing dans sa main]. Plutôt ceci [un coup moins fort]. Or pour avoir ceci, il faut avoir ça. Mais c’est trop tard ! Vous êtes complice !

Les Cahiers -  C’est cruel, de se débarrasser des quatres filles d’un coup.

Tarantino -  Quand on arrive à de telles extrêmités de violence, au cinéma, ça doit faire mal. Me faire mal, vous faire mal. Un mal qu’on ne fait qu’à ceux qu’on aime."


Trouble-Every-Day.jpg

Cette possibilité de lecture libre passée… permettez à Gratounette de se déchaîner ! Quitte à verser parfois dans le (très) mauvais esprit, mais : pas que, et pas gratuitement, j’espère…

Tarantino : « J’ai réfléchi à cette scène pendant tellement longtemps…»

Capital : nous sommes au cœur du truc. Et au cœur du film.

« Ce qui précède la collision est encore plus important. La musique, la juxtaposition des plans dans la voiture des filles et de ceux dans celle de Mike, la montée en puissance, l’attente… Et bam !!! »

Qu’on pense bien à la passion et à l’énergie, si particulières, avec lesquelles Tarantino s’exprime toujours.

« Dans cette scène, je pense constamment au public.»

Voyons de quelle manière, à quelle fin, selon quels présupposés…


Orange-M--canique.jpg

« J’aime jouer avec lui, l’emmener dans des endroits inédits. »

Marque de fabrique de Tarantino, ouvertement guidé par le « pas encore fait ». Ce qui ne correspond la plupart du temps qu’à un déplacement assez simpliste : alors là, ce serait une belle femme blanche qui va nous maîtriser les arts martiaux et nous faire le « cent contre un ». Ça n’a pas encore été fait dans la Hollywood Machine ? C’est bon ? Ok, on y va ! Chemin le plus court : filer aux femmes les rôles qui n’étaient jusqu’alors dévolus qu’aux mecs. Ce pourrait être réjouissant, et que justice, évidemment… Mais est-ce qu’il est vraiment beau et neuf ce regard porté sur ces femmes ? Ou passablement tordu et réactionnaire ? J’y reviendrai.

«Quand je fais l’amour à une femme, je suis attentif au moindre des bruits qu’elle fait, afin de l’emmener là où je veux, jusqu’à la jouissance. »
 
Alors est-ce que ça te dirait de l’emmener là où elle veut ? Est-ce que ce sera la même jouissance ? Pour elle et pour toi ?

« Pareil avec le public. Ce que j’essaie de vous suggérer avec cette métaphore sexuelle, c’est que, pendant que la musique monte et que vous entrez dans le rythme, vous êtes Stuntman Mike : vous voulez que la collision arrive. »

Personnellement : non. Pas si simple, et en l’occurrence : non.
 
Les Cahiers : « Pas sûr. Les filles sont très attachantes »

Consternation totale. Ça veut dire quoi « les filles sont très attachantes » ? Et si elles l’étaient moins, est-ce que là, sûr, pour de bon, on voudrait leur mort ?!?


Sonatine-.jpg

Tarantino : « Je pense que si. Here’s my point : you want the sensation.»

Décidément non. Parfois oui (catharsis), là précisément non. J’y reviens.

« Laissez-moi vous dire exactement ce que je pense : si au dernier moment, après tout cet énorme travail de mise en condition, la conductrice aperçoit la voiture qui fonce vers elle et fait un écart pour éviter la collision, vous vous sentirez floués. »

Pas sûr.  Evidemment, on a compris où il veut en venir, mais précisément, ici et maintenant : pourquoi cette démission de l’envie de nous « emmener dans des endroits inédits » ? Je trouve que : ici, l’inédit devient grand, et pas seulement marketing. D’autres l’ont fait et le feront.

« Ce qui prouve que vous désirez la collision.»
 
La seule chose prouvée : mise en place d’un système pour que le spectateur qui entre dedans désire cette collision. Ce qui ne veut pas dire, par ailleurs, que tel était son désir premier. En revanche, cela nous renvoie, de manière limpide, au désir premier du spectateur Tarantino…

« Non seulement vous la désirez, mais en outre ce désir fait de vous Stuntman Mike. Vous êtes comme lui, vous désirez le choc. »

C’est ce qu’il veut que je ressente et ça me fout un goût dégueulasse dans la bouche. Parce qu’il se trouve que ça ne correspond pas du tout à mon désir mais au sien (cf épisode II).


Les-damn--s.jpg

«Et voilà qu’il arrive. Mais d’une manière encore plus horrible que ce que vous imaginiez. Ce n’est pas vraiment ça que vous désiriez [Tarantino frappe son poing dans sa main]. Plutôt ceci [un coup moins fort]. Or pour avoir ceci, il faut avoir ça.»

Je trouve que : mise en place d’un parfait système de culpabilisation. Le fin du fin de la perversion. Le négatif d’une approche cathartique : j’ai vraiment envie de faire une saloperie, je vais faire cette saloperie, je la fais, et - last but not least - je suis super coupable d’avoir fait ça. Avec deuxième couche offerte : moi, réalisateur, je te fais remarquer que tu es super coupable d’avoir fait ça, de l’avoir voulu, comme moi.

« Mais c’est trop tard ! Vous êtes complice ! »

Il manque à peine un « youpi ! »

Les Cahiers : « C’est cruel, de se débarrasser des quatre filles d’un coup. »

On n’est peut-être pas loin de ce qu’il y aurait à dire mais : victoire de la platitude…

Tarantino : « Quand on arrive à de telles extrémités de violence, au cinéma, ça doit faire mal. Me faire mal, vous faire mal. Un mal qu’on ne fait qu’à ceux qu’on aime.[…] »

Fin du système pervers sado-masochiste et culpabilisateur à outrance, autosatisfait dans son terrorisme de l’émotion consciemment élaboré. Et là, j’ai vraiment envie d’en sortir…


Rosetta.jpg

Reste à évoquer un dernier terrain particulièrement glissant dans la rubrique "ça ne va pas comment on leur fait la peau aux filles"… et dans cet objet de l’obscur désir…

(à suivre donc…)

Euh… Encore un ou deux épisode(s) et la saga sera finie, promis, puisque l’été aussi !

Partie écrite le 9 juillet, arrêtée le 8 septembre. 



PS : toutes mes excuses quant à ma présence qui semble devenue aléatoire. Mes problèmes informatiques/internet ne sont pas encore résolus... Bah ! Tant qu’on peut encore danser...    


Haut--bas--fragile.jpg

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commentaires

H
Bon bon bon je vais continuer la lecture de ce dossier.J'aime beaucoup ce débat que tu lance, tout en étant de mon côté parfois en désaccord avec ta réflexion (mais rizen de grave). D'une part je ne pense pas que ce genre de questionnment est essentiel pour juger de la qualité d'un film. Si jouissance ou malaise il y a eu, le film a marqué ton esprit et tu as vécu quelque chose en tant que spectateur. Tarantino s'amuse, et veut s'amuser avec nous (qu'il y parvienne ou pas est une autre question). D'un autre côté il est vrai que je ne supporte pas sa manière prétentieuse de nous montrer des choses nouvelles, tout en citant un nombre incroyable de référence cinématographique. Il manque de subtilité. Tarantino est un grand gamin cinéphile, et n'est pas dans la pulsion créatrice qui ferait de lui un auteur. Je pense à Christophe Gans. Tout les deux sont passionnés (passion au sens "j'aime le cinéma" enfin bref..) mais ne parviennent pas à créer quelque chose de véritablement transcendantal (pour le spectateur qui veut comme toi que l'art lui apporte quelque chose). Ils manquent de naiveté, d'innocence peut être, pour exprimer un art qui leur est propre. Mais n'empèche que les films de Tarantino sont toujours jouissifs, divertissants et drôles, et moi rien ne me choque dans sa démarche voulu et assumé (peut-être raté) d'embarquer le spectateur là où il le désire.heu bon voilà je jette comme ça ce que je pense, à appronfondir peut-être. Mais j'ai vu Death Proof ya deux jours, et j'ai toujours eu tarantino en travers de la gorge chaque fois que j'entend mes potes en parler comme si c'était des films géniaux (mais eux mes potes ne voit pas ce que moi je vois dans les films de tarantino) moi je prend tarantino pour un gars qui s'amuse avec le cinéma tout en étant un peu (trop) provocateur et orgueilleux dans sa manière de nous amener là où il veut et dire ce qu'il veut. Le cinéma de Tarantino mérite débat, mais peut être est-ce là son style, et la marque d'un auteur après tout...je préfère largement l'oeuvre de Miike et je te conseille Audition et bien d'autres...
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D
<br /> <br /> Bienvenue donc Hamesh...<br /> <br /> Et merci de livrer ici ton point de vue. Sans doute nous rejoignons-nous sur l'agacement dont tu parles et les raisons que tu en donnes. J'avoue que je ne connais pas du tout le travail de Gans<br /> qui ne m'a encore jamais attiré. En revanche, j'attendais que quelqu'un me donne envie de découvrir Miike, et je t'en remercie également.<br /> <br /> Je pense toutefois que je prendrai le temps de revoir les films de Tarantino, mais je vais d'abord faire une pause avec ce cinéaste qui, en tout cas, ne représente manifestement pas ce qui m'est<br /> le plus cher.<br /> <br /> Mais en conclusion, si tu poursuis la lecture de ces billets, ton avis m'intéresse réellement.<br /> <br /> Alors à bientôt peut-être ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
C
Bon alors vraiment merci à toi pour ce blog...
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D
Oh, mais... ce commentaire me va vraiment droit au coeur, Chuipala. D'autant qu'avec ce long article, là, je me suis presque fait peur tout seul. Il brasse beaucoup de choses cruciales pour moi...A bientôt chez toi :-)
S
Tes chroniques m'aident pas à choisir entre le fait de voir ou pas ce film, en tout cas ;-) Mais c'est ça, d'être nuancéSysT
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D
Parce que toi tu crois que tu m'aides à enchaîner toutes sortes d'articles qui me donnent particulièrement envie de lire des bouquins ou d'écouter du rock, avec des trucs dont j'ai jamais entendu parler en plus ? Et après, quand est-ce que je trouve le temps de m'occuper de mon blog, moi ?   :-)
F
Dis-moi, je reviens là, et l'image de Kitano qui se tire une balle dans la tête en souriant c'est un peu terrible quand même...Content qu'on soit d'accord ;-)
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D
C'est vrai que l'image est particulièrement violente, mais ce film est vraiment très beau, Sonatine, premier Kitano que j'ai pu voir. Par ailleurs, il est parfois très agréable d'être illustratif et cette image correspond parfaitement à mon état face à la réplique des cahiers sur "les filles attachantes" !  :-)
P
C'est curieux comme tout le contenu de ton article sur Tarantino, le sexe (emmener la femme là où je veux aller moi et pas elle) et donc le spectateur, me parle. C'est curieux car je n'ai pas envie, dans mes lectures, qu'on m'emmène où le troupeau croit qu'il veut aller, alors qu'on le manipule.Lecteur, lectrice, spectateur, spectatrice, la solution est aussi de ne pas aller lire certaines choses ni en voir certaines autres. Je suis contente de n'avoir jamais regardé Tarantino, et ce n'est pas ce que j'ai vu de Pulp qui me donne envie d'aller en voir d'autres... Pouah ! (c'est mon deuxième Pouah! Aujourd'hui!)    
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D
Tiens, tiens, et c'était quoi alors ton premier "Pouah !" ? Si je ne deviens pas indiscret... :-)

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